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ŒDIPE.

Vous, de mes premiers ans sage dépositaire,
Vous, digne favori de Polybe mon père ?
Quel sujet important vous conduit parmi nous ?

Icare.

Seigneur, Polybe est mort.

Œdipe.

Seigneur, Polybe est mAh ! Que m’apprenez-vous ?
Mon père…

Icare.

Mon père…À son trépas vous deviez vous attendre.
Dans la nuit du tombeau les ans l’ont fait descendre ;
Ses jours étaient remplis, il est mort à mes yeux.

Œdipe.

Qu’êtes-vous devenus, oracles de nos dieux ?
Vous qui faisiez trembler ma vertu trop timide,
Vous qui me prépariez l’horreur d’un parricide.
Mon père est chez les morts, et vous m’avez trompé ;
Malgré vous dans son sang mes mains n’ont point trempé.
Ainsi de mon erreur esclave volontaire,
Occupé d’écarter un mal imaginaire,
J’abandonnais ma vie à des malheurs certains,
Trop crédule artisan de mes tristes destins !
Ô ciel ! Et quel est donc l’excès de ma misère
Si le trépas des miens me devient nécessaire ?
Si, trouvant dans leur perte un bonheur odieux,
Pour moi la mort d’un père est un bienfait des dieux ?
Allons, il faut partir ; il faut que je m’acquitte
Des funèbres tributs que sa cendre mérite.
Partons. Vous vous taisez, je vois vos pleurs couler :
Que ce silence…

Icare.

Que ce silence…Ô ciel ! Oserai-je parler ?

Œdipe.

Vous reste-t-il encor des malheurs à m’apprendre ?

Icare.

Un moment sans témoin daignerez-vous m’entendre ?

Œdipe.
(À sa suite.)

Allez, retirez-vous. Que va-t-il m’annoncer ?

Icare.

À Corinthe, seigneur, il ne faut plus penser :