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FANATISME.

Latins appelaient vis comica, la force comique : c’est ce que César reproche à Térence :

Lenibus atque ulinam scriptis adjuncta foret vis Comica[1] !

C’est surtout en quoi a péché souvent la comédie nommée larmoyante[2]. Les vers faibles ne sont pas ceux qui pèchent contre les règles, mais contre le génie ; qui, dans leur mécanique, sont sans variété, sans choix de termes, sans heureuses inversions, et qui, dans leur poésie, conservent trop la simplicité de la prose. On ne peut mieux sentir cette différence qu’en comparant les endroits que Racine et Campistron son imitateur ont traités.


FANATISME.


SECTION PREMIÈRE[3].


C’est l’effet d’une fausse conscience qui asservit la religion aux caprices de l’imagination et aux dérèglements des passions.

En général, il vient de ce que les législateurs ont eu des vues trop étroites, ou de ce qu’on a passé les bornes qu’ils se prescrivaient. Leurs lois n’étaient faites que pour une société choisie. Étendues par le zèle à tout un peuple, et transportées par l’ambition d’un climat à l’autre, elles devaient changer et s’accommoder aux circonstances des lieux et des personnes. Mais qu’est-il arrivé ? c’est que certains esprits d’un caractère plus proportionné

  1. Voyez le commencement des Honnêtetés littéraires, dans les Mélanges, année 1767.
  2. Le chef de l’école larmoyante au théâtre fut Lachaussée.
  3. Cette première section est tirée mot pour mot de l’article Fanatisme de L’Encyclopédie, par M. Deleyre ; M. de Voltaire n’a fait ici que l’abréger et le mettre dans un autre ordre. (K.) — Ce morceau a paru pour la première fois dans les éditions de Kehl. (B.)

    — Le philosophe Deleyre était compatriote de Montesquieu, et fut l’ami de Thomas et de J.-J. Rousseau. Après avoir été attaché à l’ambassade de Vienne, il devint pendant quelque temps bibliothécaire de l’infant de Parme, dont Condillac fut le précepteur. En 1792, le département de la Gironde le députa à la Convention nationale. En 1795, il fut chargé de surveiller l’École normale ; il siégea ensuite aux Cinq-Cents et mourut en 1797. Son article Fanatisme est célèbre. On l’intercala par prudence dans l’article Superstition avec cet avis : « Le fanatisme étant la superstition mise en action, nous allons faire connaître ici ce zèle aveugle et passionné qui naît des opinions religieuses. » L’article se termine par la glorification du fanatisme du patriote, qu’il semble opposer à l’autre. (G. A.)