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JUIFS.

trois cents concubines. Cependant il n’avait ni bois ni ouvriers pour bâtir son palais et le temple : il en emprunta d’Hiram, roi de Tyr, qui fournit même de l’or ; et Salomon donna vingt villes en payement à Hiram. Les commentateurs ont avoué que ces faits avaient besoin d’explication, et ont soupçonné quelque erreur de chiffre dans les copistes, qui seuls ont pu se tromper.

À la mort de Salomon, les douze tribus qui composaient la nation se divisent. Le royaume est déchiré ; il se sépare en deux petites provinces, dont l’une est appelée Juda, et l’autre Israël. Neuf tribus et demie composent la province Israélite, et deux et demie seulement font celle de Juda. Il y eut alors entre ces deux petits peuples une haine d’autant plus implacable qu’ils étaient parents et voisins, et qu’ils eurent des religions différentes : car à Sichem, à Samarie, on adorait Baal en donnant à Dieu un nom sidonien, tandis qu’à Jérusalem on adorait Adonaï. On avait consacré à Sichem deux veaux, et on avait à Jérusalem consacré deux chérubins, qui étaient deux animaux ailés à double tête, placés dans le sanctuaire : chaque faction ayant donc ses rois, son dieu, son culte, et ses prophètes, elles se firent une guerre cruelle.

Tandis qu’elles se faisaient cette guerre, les rois d’Assyrie, qui conquéraient la plus grande partie de l’Asie, tombèrent sur les Juifs comme un aigle enlève deux lézards qui se battent. Les neufs tribus et demie de Samarie et de Sichem furent enlevées et dispersées sans retour, et sans que jamais on ait su précisément en quels lieux elles furent menées en esclavage.

Il n’y a que vingt lieues de la ville de Samarie à Jérusalem, et leurs territoires se touchaient : ainsi, quand l’une de ces deux villes était écrasée par de puissants conquérants, l’autre ne devait pas tenir longtemps. Aussi Jérusalem fut plusieurs fois saccagée ; elle fut tributaire des rois Hazael et Razin, esclave sous Teglat-phael-asser, trois fois prise par Nabuchodonosor ou Nébucodonasser, et enfin détruite. Sédécias, qui avait été établi roi ou gouverneur par ce conquérant, fut emmené, lui et tout son peuple, en captivité dans la Babylonie ; de sorte qu’il ne restait de Juifs dans la Palestine que quelques familles de paysans esclaves, pour ensemencer les terres.

À l’égard de la petite contrée de Samarie et de Sichem, plus fertile que celle de Jérusalem, elle fut repeuplée par des colonies étrangères, que les rois assyriens y envoyèrent, et qui prirent le nom de Samaritains.

Les deux tribus et demie, esclaves dans Babylone et dans les villes voisines, pendant soixante et dix ans, eurent le temps