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JUIFS.

ses lois : nous devons nous borner à croire ces faits, et à respecter en silence les desseins de Dieu, qui les a permis.

On demande aussi quel droit des étrangers tels que les Juifs avaient sur le pays de Chanaan : on répond qu’ils avaient celui que Dieu leur donnait.

À peine ont-ils pris Jéricho et Laïs qu’ils ont entre eux une guerre civile dans laquelle la tribu de Benjamin est presque toute exterminée, hommes, femmes et enfants : il n’en resta que six cents mâles ; mais le peuple, ne voulant point qu’une des tribus fût anéantie, s’avisa, pour y remédier, de mettre à feu et à sang une ville entière de la tribu de Manassé, d’y tuer tous les hommes, tous les vieillards, tous les enfants, toutes les femmes mariées, toutes les veuves, et d’y prendre six cents vierges, qu’ils donnèrent aux six cents survivants de Benjamin pour refaire cette tribu, afin que le nombre de leurs douze tribus fût toujours complet.

Cependant les Phéniciens, peuple puissant, établis sur les côtes de temps immémorial, alarmés des déprédations et des cruautés de ces nouveaux venus, les châtièrent souvent : les princes voisins se réunirent contre eux, et ils furent réduits sept fois en servitude pendant plus de deux cents années.

Enfin ils se font un roi, et l’élisent par le sort. Ce roi ne devait pas être fort puissant, car à la première bataille que les Juifs donnèrent sous lui aux Philistins leurs maîtres, ils n’avaient dans toute l’armée qu’une épée et qu’une lance, et pas un seul instrument de fer. Mais leur second roi David fait la guerre avec avantage. Il prend la ville de Salem, si célèbre depuis sous le nom de Jérusalem ; et alors les Juifs commencent à faire quelque figure dans les environs de la Syrie. Leur gouvernement et leur religion prennent une forme plus auguste. Jusque-là ils n’avaient pu avoir de temple, quand toutes les nations voisines en avaient, Salomon en bâtit un superbe, et régna sur ce peuple environ quarante ans.

Le temps de Salomon est non-seulement le temps le plus florissant des Juifs ; mais tous les rois de la terre ensemble ne pourraient étaler un trésor qui approchât de celui de Salomon. Son père, David, dont le prédécesseur n’avait pas même de fer, laissa à Salomon vingt-cinq milliards six cent quarante-huit millions de livres de France au cours de ce jour, en argent comptant. Ses flottes, qui allaient à Ophir, lui rapportaient par an soixante et huit millions en or pur, sans compter l’argent et les pierreries. Il avait quarante mille écuries et autant de remises pour ses chariots, douze mille écuries pour sa cavalerie, sept cents femmes et