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IMPÔT.
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accompagnées de deux ailes ; je ris, et je lui pardonne de tout mon cœur.

L’impie qui attribue à l’Être des êtres des prédictions déraisonnables et des injustices me fâcherait, si ce grand Être ne m’avait fait présent d’une raison qui réprime ma colère. Ce sot fanatique me répète, après d’autres, que ce n’est pas à nous à juger de ce qui est raisonnable et juste dans le grand Être, que sa raison n’est pas comme notre raison, que sa justice n’est pas comme notre justice. Eh ! comment veux-tu, mon fou d’énergumène, que je juge autrement de la justice et de la raison que par les notions que j’en ai ? Veux-tu que je marche autrement qu’avec mes pieds, et que je te parle autrement qu’avec ma bouche ?

L’impie qui suppose le grand Être jaloux, orgueilleux, malin, vindicatif, est plus dangereux. Je ne voudrais pas coucher sous même toit avec cet homme.

Mais comment traiterez-vous l’impie qui vous dit : Ne vois que par mes yeux, ne pense point ; je t’annonce un Dieu tyran qui m’a fait pour être ton tyran ; je suis son bien-aimé ; il tourmentera pendant toute l’éternité des millions de ses créatures, qu’il déteste pour me réjouir ; je serai ton maître dans ce monde, et je rirai de tes supplices dans l’autre ?

Ne vous sentez-vous pas une démangeaison de rosser ce cruel impie ? Et si vous êtes né doux, ne courrez-vous pas de toutes vos forces à l’occident quand ce barbare débite ses rêves atroces à l’orient ?

À l’égard des impies qui manquent à se laver le coude vers Alep et vers Érivan, ou qui ne se mettent pas à genoux devant une procession de capucins à Perpignan, ils sont coupables sans doute, mais je ne crois pas qu’on doive les empaler.



IMPÔT[1].
SECTION PREMIÈRE.

On a fait tant d’ouvrages philosophiques sur la nature de l’impôt, qu’il faut bien en dire ici un petit mot. Il est vrai que rien n’est moins philosophique que cette matière ; mais elle peut rentrer dans la philosophie morale, en représentant à un surin-

  1. La première section parut, en 1774, dans l’édition in-4o des Questions sur l’Encyclopédie. Ce qui forme aujourd’hui les sections ii, iii, iv, était les sections i, ii, iii, dans l’édition de 1771. (B.)