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IDÉE.
COMMENT TOUT EST-IL ACTION DE DIEU ?

Il n’y a dans la nature qu’un principe universel, éternel, et agissant ; il ne peut en exister deux : car ils seraient semblables ou différents. S’ils sont différents, ils se détruisent l’un l’autre ; s’ils sont semblables, c’est comme s’il n’y en avait qu’un. L’unité de dessein dans le grand tout infiniment varié annonce un seul principe ; ce principe doit agir sur tout être, ou il n’est plus principe universel.

S’il agit sur tout être, il agit sur tous les modes de tout être. Il n’y a donc pas un seul mouvement, un seul mode, une seule idée qui ne soit l’effet immédiat d’une cause universelle toujours présente.

La matière de l’univers appartient donc à Dieu tout autant que les idées, et les idées tout autant que la matière.

Dire que quelque chose est hors de lui, ce serait dire qu’il y a quelque chose hors du grand tout. Dieu étant le principe universel de toutes les choses, toutes existent donc en lui et par lui.

Ce système renferme celui de la prémotion physique[1], mais comme une roue immense renferme une petite roue qui cherche à s’en écarter. Le principe que nous venons d’exposer est trop vaste pour admettre aucune vue particulière.

La prémotion physique occupe l’Être universel des changements qui se passent dans la tête d’un janséniste et d’un moliniste ; mais, pour nous autres, nous n’occupons l’Être des êtres que des lois de l’univers. La prémotion physique fait une affaire importante à Dieu de cinq propositions dont une sœur converse aura entendu parler ; et nous faisons à Dieu l’affaire la plus simple de l’arrangement de tous les mondes.

La prémotion physique est fondée sur ce principe à la grecque, que « si un être pensant se donnait une idée, il augmenterait son être ». Or nous ne savons ce que c’est qu’augmenter son être ; nous n’entendons rien à cela. Nous disons qu’un être pensant se donnerait de nouveaux modes, et non pas une addition d’existence. De même que quand vous dansez, vos coulés, vos entrechats et vos attitudes, ne vous donnent pas une existence nouvelle ; ce qui nous semblerait absurde. Nous ne sommes d’accord avec la prémotion physique qu’en étant convaincus que nous ne nous donnons rien.



  1. Voyez, dans le Siècle de Louis XIV (catalogue des écrivains), l’article Boursier.