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HORLOGE.

de la nation commença, dit-on, à lire et à écrire. On sait même que dans leur langue ils n’avaient aucun terme pour exprimer horloge, cadran, géométrie, astronomie ; et dans le texte du livre des Rois, l’horloge d’Achaz est appelée l’heure de la pierre.

Mais la grande question est de savoir comment le roi Ézéchias, possesseur de ce gnomon ou de ce cadran au soleil, de cette heure de la pierre, pouvait dire qu’il était aisé de faire avancer le soleil de dix degrés. Il est certainement aussi difficile de le faire avancer contre l’ordre du mouvement ordinaire que de le faire reculer.

La proposition du prophète paraît aussi étrange que le propos du roi. Voulez-vous que l’ombre avance en ce moment ou recule de dix heures ? Cela eût été bon à dire dans quelque ville de la Laponie, où le plus long jour de l’année eût été de vingt heures ; mais à Jérusalem, où le plus long jour de l’année est d’environ quatorze heures et demie, cela est absurde. Le roi et le prophète se trompaient tous deux grossièrement. Nous ne nions pas le miracle, nous le croyons très-vrai ; nous remarquons seulement qu’Ézéchias et Isaïe ne disaient pas ce qu’ils devaient dire. Quelque heure qu’il fût alors, c’était une chose impossible qu’il fût égal de faire reculer ou avancer l’ombre du cadran de dix heures. S’il était deux heures après midi, le prophète pouvait très-bien, sans doute, faire reculer l’ombre à quatre heures du matin. Mais en ce cas il ne pouvait pas la faire avancer de dix heures, puisque alors il eût été minuit, et qu’à minuit il est rare d’avoir l’ombre du soleil.

Il est difficile de deviner le temps où cette histoire fut écrite, mais ce ne peut être que vers le temps où les Juifs apprirent confusément qu’il y avait des gnomons et des cadrans au soleil. Or il est de fait qu’ils n’eurent une connaissance très-imparfaite de ces sciences qu’à Babylone.

Il y a encore une plus grande difficulté, c’est que les Juifs ne comptaient pas par heure comme nous ; c’est à quoi les commentateurs n’ont pas pensé.

Le même miracle était arrivé en Grèce le jour qu’Atrée fit servir les enfants de Thyeste pour le souper de leur père.

Le même miracle s’était fait encore plus sensiblement lorsque Jupiter coucha avec Alcmène. Il fallait une nuit double de la nuit naturelle pour former Hercule. Ces aventures sont communes dans l’antiquité, mais fort rares de nos jours, où tout dégénère.