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HISTOIRE.

tiers et usuriers chez les Grecs d’Alexandrie. Jamais les Grecs n’allèrent vendre de vieux habits à Jérusalem. Il paraît qu’aucun peuple n’imita les Juifs, et que ceux-ci prirent beaucoup de choses des Babyloniens, des Égyptiens, et des Grecs.

Toutes les antiquités judaïques sont sacrées pour nous, malgré notre haine et notre mépris pour ce peuple. Nous ne pouvons à la vérité les croire par la raison ; mais nous nous soumettons aux Juifs par la foi. Il y a environ quatre-vingts systèmes sur leur chronologie, et beaucoup plus de manières d’expliquer les événements de leur histoire : nous ne savons pas quelle est la véritable ; mais nous lui réservons notre foi pour le temps où elle sera découverte.

Nous avons tant de choses à croire de ce savant et magnanime peuple, que toute notre croyance en est épuisée, et qu’il ne nous en reste plus pour les prodiges dont l’histoire des autres nations est pleine. Rollin a beau nous répéter les oracles d’Apollon et les merveilles de Sémiramis ; il a beau transcrire tout ce qu’on a dit de la justice de ces anciens Scythes qui pillèrent si souvent l’Asie, et qui mangeaient des hommes dans l’occasion, il trouve un peu d’incrédulité chez les honnêtes gens.

Ce que j’admire le plus dans nos compilateurs modernes, c’est la sagesse et la bonne foi avec laquelle ils nous prouvent que tout ce qui arriva autrefois dans les plus grands empires du monde n’arriva que pour instruire les habitants de la Palestine. Si les rois de Babylone, dans leurs conquêtes, tombent en passant sur le peuple hébreu, c’est uniquement pour corriger ce peuple de ses péchés. Si le roi qu’on a nommé Cyrus se rend maître de Babylone, c’est pour donner à quelques Juifs la permission d’aller chez eux. Si Alexandre est vainqueur de Darius, c’est pour établir des fripiers juifs dans Alexandrie. Quand les Romains joignent la Syrie à leur vaste domination, et englobent le petit pays de la Judée dans leur empire, c’est encore pour instruire les Juifs ; les Arabes et les Turcs ne sont venus que pour corriger ce peuple aimable. Il faut avouer qu’il a eu une excellente éducation ; jamais on n’eut tant de précepteurs : et voilà comme l’histoire est utile.

Mais ce que nous avons de plus instructif, c’est la justice exacte que les clercs ont rendue à tous les princes dont ils n’étaient pas contents. Voyez avec quelle candeur impartiale saint Grégoire de Nazianze juge l’empereur Julien le philosophe : il déclare que ce prince, qui ne croyait point au diable, avait un commerce secret avec le diable, et qu’un jour que les démons lui apparurent tout enflammés sous des figures trop hideuses, il les chassa en faisant par inadvertance des signes de croix.