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HÉRÉSIE.

reçus au viiie et au viie, depuis le pays des Allobroges jusqu’à l’Elbe et au Danube.

Ces dogmes et ces usages se perpétuèrent dans les vallées, et dans les creux des montagnes, et vers les bords du Rhône, chez des peuples ignorés, que la déprédation générale laissait en paix dans leur retraite et dans leur pauvreté, jusqu’à ce qu’enfin ils parurent sous le nom de Vaudois au xiie siècle, et sous celui d’Albigeois au xiiie. On sait comme leurs opinions choisies furent traitées, comme on prêcha contre eux des croisades, quel carnage on en fit, et comment depuis ce temps jusqu’à nos jours il n’y eut pas une année de douceur et de tolérance dans l’Europe.

C’est un grand mal d’être hérétique ; mais est-ce un grand bien de soutenir l’orthodoxie par des soldats et par des bourreaux ? Ne vaudrait-il pas mieux que chacun mangeât son pain en paix à l’ombre de son figuier ? Je ne fais cette proposition qu’en tremblant.


SECTION II.


DE L’EXTIRPATION DES HÉRÉSIES[1].


SECTION III.

On ne peut que regretter la perte d’une relation que Strategius écrivit sur les hérésies, par ordre de Constantin. Ammien Marcellin[2] nous apprend que cet empereur voulant savoir exactement les opinions des sectes, et ne trouvant personne qui fût propre à lui donner là-dessus de justes éclaircissements, il en chargea cet officier, qui s’en acquitta si bien que Constantin voulut qu’on lui donnât depuis le nom de Musonianus. M. de Valois, dans ses notes sur Ammien, observe que Strategius, qui fut fait préfet d’Orient, avait autant de savoir et d’éloquence que de modération et de douceur ; c’est au moins l’éloge qu’en a fait Libanius.

Le choix que cet empereur fit d’un laïque prouve qu’aucun ecclésiastique d’alors n’avait les qualités essentielles pour une tâche si délicate. En effet, saint Augustin[3] remarque qu’un évêque de Bresse, nommé Philastrius, dont l’ouvrage se trouve dans la

  1. Cette seconde section se composait, dès 1771, du paragraphe iv du Commentaire sur le livre Des Délits et des Peines. Voyez les Mélanges, année 1766. (B.)
  2. Livre XV, chapitre xiii. (Note de Voltaire.)
  3. Lettre ccxxii. (Id.)