de vous comme une poule couve ses poussins. J’ai décrété qu’un de mes cadets aurait le royaume de Tafilet, qu’un autre posséderait à jamais Maroc ; et pour mes autres chers enfants, au nombre de quatre cent quatre-vingt-dix-huit, j’ordonne qu’on en roue la moitié, et qu’on brûle l’autre ; car je suis le seigneur Mulei-Ismael. »
Vous prendriez assurément le marabout pour le plus grand fou que l’Afrique ait jamais produit.
Mais si trois ou quatre mille marabouts, entretenus grassement à vos dépens, venaient vous répéter la même nouvelle, que feriez-vous ? Ne seriez-vous pas tenté de les faire jeûner au pain et à l’eau, jusqu’à ce qu’ils fussent revenus dans leur bon sens ?
Vous m’alléguez que mon indignation est assez raisonnable contre les supralapsaires, qui croient que le roi de Maroc n’a fait ces cinq cents enfants que pour sa gloire, et qu’il a toujours eu l’intention de les faire rouer et de les faire brûler, excepté deux qui étaient destinés à régner.
Mais j’ai tort, dites-vous, contre les infralapsaires, qui avouent que la première intention de Mulei-Ismael n’était pas de faire périr ses enfants dans les supplices ; mais qu’ayant prévu qu’ils ne vaudraient rien, il a jugé à propos, en bon père de famille, de se défaire d’eux par le feu et par la roue.
Ah ! supralapsaires, infralapsaires, gratuits, suffisants, efficaciens, jansénistes, molinistes, devenez enfin hommes, et ne troublez plus la terre pour des sottises si absurdes et si abominables.
Sacrés consulteurs de Rome moderne, illustres et infaillibles théologiens, personne n’a plus de respect que moi pour vos divines décisions ; mais si Paul-Émile, Scipion, Caton, Cicéron, César, Titus, Trajan, Marc-Auréle, revenaient dans cette Rome qu’ils mirent autrefois en quelque crédit, vous m’avouerez qu’ils seraient un peu étonnés de vos décisions sur la grâce. Que diraient-ils s’ils entendaient parler de la grâce de santé, selon saint Thomas, et de la grâce médicinale, selon Cajetan ; de la grâce extérieure et intérieure, de la gratuite, de la sanctifiante, de l’actuelle, de l’habituelle, de la coopérante ; de l’efficace, qui quel-
- ↑ Cette section formait tout l’article dans le Dictionnaire philosophique en 1764. (B.)