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GÉOMÉTRIE.

le maître.

Il est de la même hauteur, mais non de la même longueur, cela est démontré. Faites descendre cette diagonale au niveau du terrain, vous voyez qu’elle déborde un peu.

le disciple.

Et de combien précisément déborde-t-elle ?

le maître.

Il y a des cas où l’on n’en saura jamais rien, de même qu’on ne saura pas précisément quelle est la racine carrée de cinq.

le disciple.

Mais la racine carrée de cinq est deux, plus une fraction.

le maître.

Mais cette fraction ne se peut exprimer en chiffre, puisque le carré d’un nombre plus une fraction ne peut être un nombre entier. Il y a même en géométrie des lignes dont les rapports ne peuvent s’exprimer.

le disciple.

Voilà une difficulté qui m’arrête. Quoi ! je ne saurai jamais mon compte ? il n’y a donc rien de certain ?

le maître.

Il est certain que cette ligne de biais partage le quadrilatère en deux parties égales ; mais il n’est pas plus surprenant que ce petit reste de la ligne diagonale n’ait pas une commune mesure avec les côtés, qu’il n’est surprenant que vous ne puissiez trouver en arithmétique la racine carrée de cinq.

Vous n’en saurez pas moins votre compte ; car si un arithméticien dit qu’il vous doit la racine carrée de cinq écus, vous n’avez qu’à transformer ces cinq écus en petites pièces, en liards, par exemple, vous en aurez douze cents, dont la racine carrée est entre trente-quatre et trente-cinq, et vous saurez votre compte à un liard près. Il ne faut pas qu’il y ait de mystère ni en arithmétique ni en géométrie. »


Ces premières ouvertures aiguillonnent l’esprit du jeune homme. Son maître lui ayant dit que la diagonale d’un carré est incommensurable, immesurable aux côtés et aux bases, lui apprend qu’avec cette ligne, dont on ne saura jamais la valeur,