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GÉNÉRATION.

généalogique dont le tronc est Adam, et dont les branches s’étendent d’Ismael jusqu’aux gentilshommes qui portent aujourd’hui le grand titre de cousins de Mahomet.

Nulle difficulté sur cette généalogie, nulle dispute entre les savants, point de faux calculs à rectifier, point de contradiction à pallier, point d’impossibilités qu’on cherche à rendre possibles.

Votre orgueil murmure de l’authenticité de ces titres. Vous me dites que vous descendez d’Adam, aussi bien que le grand prophète, si Adam est le père commun ; mais que cet Adam n’a jamais été connu de personne, pas même des anciens Arabes ; que ce nom n’a jamais été cité que dans les livres juifs ; que par conséquent vous vous inscrivez en faux contre les titres de noblesse de Mahomet ou Mohammed.

Vous ajoutez qu’en tout cas, s’il y a eu un premier homme, quel qu’ait été son nom, vous en descendez tout aussi bien que l’illustre palefrenier de Cadisha ; et que s’il n’y a point eu de premier homme, si le genre humain a toujours existé, comme tant de savants le prétendent, vous êtes gentilhomme de toute éternité.

À cela on vous réplique que vous êtes roturier de toute éternité, si vous n’avez pas vos parchemins en bonne forme.

Vous répondez que les hommes sont égaux ; qu’une race ne peut être plus ancienne qu’une autre ; que les parchemins, auxquels pend un morceau de cire, sont d’une invention nouvelle ; qu’il n’y a aucune raison qui vous oblige de céder à la famille de Mohammed, ni à celle de Confutzée, ni à celle des empereurs du Japon, ni aux secrétaires du roi du grand collége. Je ne puis combattre votre opinion par des preuves physiques, ou métaphysiques, ou morales. Vous vous croyez égal au daïri du Japon, et je suis entièrement de votre avis. Tout ce que je vous conseille, quand vous vous trouverez en concurrence avec lui, c’est d’être le plus fort.


GÉNÉRATION[1].

Je dirai comment s’opère la génération, quand on m’aura enseigné comment Dieu s’y est pris pour la création.

Mais toute l’antiquité, me dites-vous, tous les philosophes, tous les cosmogonites sans exception, ont ignoré la création proprement dite. Faire quelque chose de rien a paru une contradiction à tous les penseurs anciens. L’axiome rien ne vient de rien a été le

  1. Questions sur l’Encyclopédie, sixième partie, 1771. (B.)