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GÉNÉALOGIE.

ont été dans cette opinion et y sont encore, disait saint Clément d’Alexandrie[1], que Marie est accouchée d’un fils sans que son accouchement ait produit aucun changement dans sa personne : car quelques-uns disent qu’une sage-femme l’ayant visitée après son enfantement, elle lui trouva toutes les marques de la virginité. On voit que ce Père veut parler de l’Évangile de la nativité de Marie, où l’ange Gabriel lui dit[2] : « Sans mélange d’homme, vierge vous concevrez, vierge vous enfanterez, vierge vous nourrirez » ; et du protévangile de Jacques, où la sage-femme s’écrie[3] : « Quelle merveille inouïe ! Marie vient démettre un fils au monde, et a encore toutes les marques de la virginité. » Ces deux Évangiles n’en furent pas moins déclarés apocryphes par la suite, quoiqu’ils fussent en ce point conformes au sentiment adopté par l’Église : on écarta les échafauds quand une fois l’édifice fut élevé.

Ce que Jeschu ajoute : « Je suis entré en elle par le sommet de la tête », a de même été le sentiment de l’Église[4]. Le bréviaire des maronites porte que le verbe du père est entré par l’oreille de la femme bénie. Saint Augustin et le pape Félix disent expressément que la vierge devint enceinte par l’oreille. Saint Éphrem dit la même chose dans une hymne, et Voisin, son traducteur, observe que cette pensée vient originairement de Grégoire de Néocésarée, surnommé Thaumaturge. Agobar[5] rapporte que l’Église chantait de son temps : « Le Verbe est entré par l’oreille de la Vierge, et il en est sorti par la porte dorée. » Eutychius parle aussi d’Élianus, qui assista au concile de Nicée, et qui disait que le Verbe entra par l’oreille de la Vierge, et qu’il en sortit par la voie de l’enfantement. Cet Élianus était un chorévêque, dont le nom se trouve dans la liste arabe des Pères de Nicée, publiée par Selden.

On n’ignore pas que le jésuite Sanchez a sérieusement agité la question si la vierge Marie a fourni de la semence dans l’incarnation du Christ, et qu’il s’est décidé pour l’affirmative d’après d’autres théologiens ; mais ces écarts d’une imagination licencieuse doivent être mis au rang de l’opinion de l’Arétin, qui y fait intervenir le Saint-Esprit sous la forme d’un pigeon, comme la fable dit que Jupiter changé en cygne avait visité Léda ; ou comme les premiers Pères de l’Église, tels que saint Justin, Athénagore, Tertullien, saint Clément d’Alexandrie, saint Cyprien,

  1. Stromates, l. VII. (Note de Voltaire.)
  2. Article ix. (Id.)
  3. Article xix. (Id.)
  4. Assemani, Bibliothèque orientale, tome i, page 91. (Note de Voltaire.)
  5. Chapitre viii de la Psalmodie. (Id.)