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FRANCE, FRANÇOIS, FRANÇAIS.

salique aient été rédigées sur une ancienne tradition, il est bien certain que les Franqs n’étaient pas de grands législateurs.

Que voulait dire originairement le mot Franq ? Une preuve qu’on n’en sait rien du tout, c’est que cent auteurs ont voulu le deviner. Que voulait dire Hun, Alain, Got, Welche, Picard ? Et qu’importe ?

Les armées de Clovis étaient-elles toutes composées de Franqs ? il n’y a pas d’apparence. Childéric le Franq avait fait des courses jusqu’à Tournai. On dit Clovis fils de Childéric et de la reine Bazine, femme du roi Bazin. Or Bazin et Bazine ne sont pas assurément des noms allemands, et on n’a jamais vu la moindre preuve que Clovis fût leur fils. Tous les cantons germains élisaient leurs chefs ; et le canton des Franqs avait sans doute élu Clodvic ou Clovis, quel que fût son père. Il fit son expédition dans les Gaules, comme tous les autres barbares avaient entrepris les leurs dans l’empire romain.

Croira-t-on de bonne foi que l’Hérule Odo, surnommé Acer par les Romains, et connu parmi nous sous le nom d’Odoacre, n’ait eu que des Hérules à sa suite, et que Genseric n’ait conduit en Afrique que des Vandales ? Tous les misérables sans profession et sans talent, qui n’ont rien à perdre et qui espèrent gagner beaucoup, ne se joignent-ils pas toujours au premier capitaine de voleurs qui lève l’étendard de la destruction ?

Dès que Clovis eut le moindre succès, ses troupes furent grossies sans doute de tous les Belges qui voulurent avoir part au butin ; et cette armée ne s’en appela pas moins l’armée des Francs. L’expédition était très-aisée. Déjà les Visigoths avaient envahi un tiers des Gaules, et les Burgundiens un autre tiers. Le reste ne tint pas devant Clovis. Les Franqs partagèrent les terres des vaincus, et les Welches les labourèrent.

Alors le mot Franq signifia possesseur libre, tandis que les autres étaient esclaves. De là vinrent les mots de franchise et d’affranchir : Je vous fais franq : je vous rends homme libre. De là francalenus, tenant librement ; franq aleu, franq dad, franq chamen, et tant d’autres termes moitié latins, moitié barbares, qui composèrent si longtemps le malheureux patois dont on se servit en France.

De là un franq en argent ou en or, pour exprimer la monnaie du roi des Franqs, ce qui n’arriva que longtemps après, mais qui rappelait l’origine de la monarchie. Nous disons encore vingt francs, vingt livres, et cela ne signifie rien par soi-même ; cela ne donne aucune idée ni du poids ni du titre de l’argent ; ce n’est qu’une expression vague par laquelle les peuples ignorants ont