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FORCE PHYSIQUE.

boulets de canon avec moins de poudre, pour élever des fardeaux sans peine, pour dessécher des marais en épargnant le temps et l’argent, pour remonter promptement des rivières sans chevaux, pour élever facilement beaucoup d’eau, et pour ajouter à l’activité des pompes.

Tous ces faiseurs de projets sont trompés eux-mêmes les premiers, comme Lass le fut par son système.

Un bon mathématicien, pour prévenir ces continuels abus, a donné la règle suivante. Il faut dans toute machine considérer quatre quantités :

1° La puissance du premier moteur, soit homme, soit cheval, soit l’eau, ou le vent, ou le feu ;

2° La vitesse de ce premier moteur dans un temps donné ;

3° La pesanteur ou résistance de la matière qu’on veut faire mouvoir ;

4° La vitesse de cette matière en mouvement, dans le même temps donné.

De ces quatre quantités, le produit des deux premières est toujours égal à celui des deux dernières : ces produits ne sont que les quantités du mouvement.

Trois de ces quantités étant connues, on trouve toujours la quatrième.

Un machiniste, il y a quelques années, présenta à l’Hôtel de Ville de Paris le modèle en petit d’une pompe, par laquelle il assurait qu’il élèverait à cent trente pieds de hauteur cent mille muids d’eau par jour. Un muid d’eau pèse cinq cent soixante livres : ce sont cinquante-six millions de livres qu’il faut élever en vingt-quatre heures, et six cent quarante-huit livres par chaque seconde.

Le chemin et la vitesse sont de cent trente pieds par seconde.

La quatrième quantité est le chemin, ou la vitesse du premier moteur.

Que ce moteur soit un cheval, il fait trois pieds par seconde tout au plus.

Multipliez ce poids de six cent quarante-huit livres par cent trente pieds d’élévation, auquel on doit le porter, vous aurez quatre-vingt-quatre mille deux cent quarante, lesquels divisés par la vitesse, qui est trois, vous donnent vingt-huit mille quatre-vingts.

Il faut donc que le moteur ait une force de vingt-huit mille quatre-vingts pour élever l’eau dans une seconde.

La force des hommes n’est estimée que vingt-cinq livres, et celle des chevaux de cent soixante et quinze.