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FONTE.

éclate, lorsqu’il lit par hasard ce que vous en dites en quelques endroits de vos ouvrages. Faites des vers, monsieur, et laissez là l’art des Pott et des Margraff.

« Voilà donc la principale objection de vos écrivains, celle qu’ils avançaient avec le plus de confiance, pleinement détruite. »

Je ne sais si M. le secrétaire de la synagogue se connaît en vers, mais assurément il ne se connaît pas en or. J’ignore si M. Rouelle se met en colère quand on n’est pas de son opinion, mais je ne me mettrai pas en colère contre M. le secrétaire ; je lui dirai avec ma tolérance ordinaire, dont je ferai toujours profession, que je ne le prierai jamais de me servir de secrétaire, attendu qu’il fait parler ses maîtres, MM. Joseph, Mathataï, et David Winker, en francs ignorants[1].

Il s’agissait de savoir si on peut, sans miracle, fondre une figure d’or dans une seule nuit, et réduire cette figure en poudre le lendemain, en la jetant dans le feu. Or, monsieur le secrétaire, il faut que vous sachiez, vous et maître Aliboron, votre digne panégyriste[2], qu’il est impossible de pulvériser l’or en le jetant au feu : l’extrême violence du feu le liquéfie, mais ne le calcine point.

C’est de quoi il est question, monsieur le secrétaire ; j’ai souvent réduit de l’or en pâte avec du mercure, je l’ai dissous avec de l’eau régale, mais je ne l’ai jamais calciné en le brûlant. Si on vous a dit que M. Rouelle calcine de l’or au feu, on s’est moqué de vous, ou bien on vous a dit une sottise que vous ne deviez pas répéter, non plus que toutes celles que vous transcrivez sur l’or potable.

L’or potable est une charlatanerie ; c’est une friponnerie d’imposteur qui trompe le peuple : il y en a de plusieurs espèces. Ceux qui vendent leur or potable à des imbéciles ne font pas entrer deux grains d’or dans leur liqueur ; ou s’ils en mettent un peu, ils l’ont dissous dans de l’eau régale, et ils vous jurent que c’est de l’or potable sans acide ; ils dépouillent l’or autant qu’ils le peuvent de son eau régale, ils la chargent d’huile de romarin. Ces préparations sont très-dangereuses : ce sont de véritables poisons, et ceux qui en vendent méritent d’être réprimés.

Voilà, monsieur, ce que c’est que votre or potable, dont vous parlez un peu au hasard, ainsi que de tout le reste.

  1. Voyez l’article Juifs. (Note de Voltaire.)
  2. Fréron avait fait l’éloge des Lettres de quelques Juifs, comme contenant beaucoup de recherches, d’érudition et d’esprit. Voyez l’Année littéraire, 1769, III, 40. (B.)