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FIN DU MONDE.

Cette idée de la fin de notre petit monde et de son renouvellement frappa surtout les peuples soumis à l’empire romain, dans l’horreur des guerres civiles de César et de Pompée. Virgile, dans ses Géorgiques (I, 468), fait allusion à cette crainte généralement répandue dans le commun peuple :

Impiaque Æternam timuerunt Sæcula noctem.

L’univers étonné, que la terreur poursuit,
Tremble de retomber dans l’éternelle nuit.

Lucain s’exprime bien plus positivement quand il dit :

Hos, Cæsar, populos, si nunc non usserit ignis,
Uret cum terris, uret cum gurgite ponti.
Communis mundo superest rogus…

(Pharsale, VII, 812.)

Qu’importe du bûcher le triste et faux honneur ?
Le feu consumera le ciel, la terre et l’onde ;
Tout deviendra bûcher ; la cendre attend le monde.

Ovide ne dit-il pas après Lucrèce :

Esse quoque in fatis reminiscitur affore tempus
Quo mare, quo tellus, correptaque regia cœli
Ardeat, et mundi moles operosa laboret.

(Mét., I, 256.)

Ainsi l’ont ordonné les destins implacables ;
L’air, la terre, et les mers, et les palais des dieux,
Tout sera consumé d’un déluge de feux.

Consultez Cicéron lui-même, le sage Cicéron. Il vous dit dans son livre de la Nature des dieux[1], le meilleur livre peut-être de toute l’antiquité, si ce n’est celui des devoirs de l’homme, appelé les Offices ; il dit : « Ex quo eventurum nostri putant id, de quo Panætium addubitare dicebant, ut ad extremum omnis mundus ignesceret ; quum, humore consumpto neque terra ali posset, nec remearet aer, cujus ortus, aqua omni exhausta, esse non posset : ita relinqui nihil præter ignem, a quo rursum animante ac Deo renovatio mundi fieret, atque idem ornatus oriretur, — Suivant les stoïciens, le monde entier ne sera que du feu ; l’eau étant

  1. De Natura deorum, lib. II, § 46. (Note de Voltaire.)