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FEU.

décrire une fête charmante, d’un genre neuf et élégant, donnée à la reine Marie Leczinska. Cette fête finit par le discours ingénieux d’un Allemand ivre, qui dit : « Est-ce la peine de faire tant de dépense en bougie pour ne faire voir que de l’eau ! » À quoi un Gascon répondit : « Eh sandis ! je meurs de faim ; on vit donc de l’air à la cour des rois de France ! »

Il est triste d’avoir inséré de pareilles platitudes dans un Dictionnaire des Arts et des Sciences.



FEU.


SECTION PREMIÈRE[1].


Le feu est-il autre chose qu’un élément qui nous éclaire, qui nous échauffe, et qui nous brûle ?

La lumière n’est-elle pas toujours du feu, quoique le feu ne soit pas toujours lumière ; et Boerhaave n’a-t-il pas raison ?

Le feu le plus pur, tiré de nos matières combustibles, n’est-il pas toujours grossier, toujours chargé des corps qu’il embrase, et très-différent du feu élémentaire ?

Comment le feu est-il répandu dans toute la nature, dont il est l’âme ?

Ignis ubique latet, naturam amplectitur omnem ;
Cuncta parit, renovat, dividit, unit, alit[2].

Quel homme peut concevoir comment un morceau de cire s’enflamme, et comment il n’en reste rien à nos yeux, quoique rien ne se soit perdu ?

Pourquoi Newton dit-il toujours, en parlant des rayons de la lumière, « de natura radiorum lucis, utrum corpora sint necne non disputans », n’examinant point si les rayons de lumière sont des corps ou non ?

N’en parlait-il qu’en géomètre ? en ce cas ce doute était inutile. Il est évident qu’il doutait de la nature du feu élémentaire, et qu’il doutait avec raison.

Le feu élémentaire est-il un corps à la manière des autres, comme l’eau et la terre ? Si c’était un corps de cette espèce, ne

  1. Cette première section composait tout l’article dans les Questions sur l’Encyclopédie, sixième partie, 1771. (B.)
  2. Ces vers sont de Voltaire lui-même : il les a mis pour épigraphe à son Essai sur la nature du feu. Voyez Mélanges, année 1738.