Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome19.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
FERTILISATION.

fournit même quelques minots de sel des magasins de Cervia. Mais il n’est pas moins vrai que la maison de Modène a des droits incontestables et imprescriptibles sur ce duché de Ferrare, dont elle est si indignement dépouillée.

Maintenant, mon cher lecteur, supposons que cette scène se fût passée du temps où Jésus-Christ, ressuscité, apparaissait à ses apôtres, et que Simon Barjone, surnommé Pierre, eût voulu s’emparer des États de ce pauvre duc de Ferrare. Imaginons que le duc va demander justice en Béthanie au Seigneur Jésus ; n’entendez-vous pas notre Seigneur qui envoie chercher sur-le-champ Simon, et qui lui dit : « Simon, fils de Jone, je t’ai donné les clefs du royaume des cieux : on sait comme ces clefs sont faites ; mais je ne t’ai pas donné celles de la terre. Si on t’a dit que le ciel entoure le globe et que le contenu est dans le contenant, t’es-tu imaginé que les royaumes d’ici-bas t’appartiennent, et que tu n’as qu’à t’emparer de tout ce qui te convient ? Je t’ai déjà défendu de dégainer. Tu me parais un composé fort bizarre ; tantôt tu coupes, à ce qu’on dit, une oreille à Malchus ; tantôt tu me renies : sois plus doux et plus honnête ; ne prends ni le bien ni les oreilles de personne, de peur qu’on ne te donne sur les tiennes. »


FERTILISATION[1].


SECTION PREMIÈRE.


1° Je propose des vues générales sur la fertilisation. Il ne s’agit pas ici de savoir en quel temps il faut semer des navets vers les Pyrénées et vers Dunkerque ; il n’y a point de paysan qui ne connaisse ces détails mieux que tous les maîtres et tous les livres. Je n’examine point les vingt et une manières de parvenir à la multiplication du blé, parmi lesquelles il n’y en a pas une de vraie, car la multiplication des germes dépend de la préparation des terres, et non de celle des grains. Il en est du blé comme de tous les autres fruits : vous aurez beau mettre un noyau de pêche dans de la saumure ou de la lessive, vous n’aurez de bonnes pêches qu’avec des abris et un sol convenable.

2° Il y a dans toute la zone tempérée de bons, de médiocres et de mauvais terroirs. Le seul moyen, peut-être, de rendre les

  1. Les deux sections de cet article ont paru, en 1771, dans les Questions sur l’Encyclopédie, sixième partie. (B.)