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BULGARES OU BOULGARES.

tion qu’ils leur doivent ; de sorte qu’aujourd’hui on appelle ces messieurs Boulgares, en retranchant l et a.

Les anciens Boulgares ne s’attendaient pas qu’un jour dans les halles de Paris, le peuple, dans la conversation familière, s’appellerait mutuellement Boulgares, en y ajoutant des épithètes qui enrichissent la langue.

Ces peuples étaient originairement des Huns qui s’étaient établis auprès du Volga ; et de Volgares on fit aisément Boulgares.

Sur la fin du VIIe siècle, ils firent des irruptions vers le Danube, ainsi que tous les peuples qui habitaient la Sarmatie ; et ils inondèrent l’empire romain comme les autres. Ils passèrent par la Moldavie, la Valachie, où les Russes, leurs anciens compatriotes, ont porté leurs armes victorieuses en 1769, sous l’empire de Catherine II.

Ayant franchi le Danube, ils s’établirent dans une partie de la Dacie et de la Mœsie, et donnèrent leur nom à ces pays qu’on appelle encore Bulgarie. Leur domination s’étendait jusqu’au mont Hémus et au Pont-Euxin.

L’empereur Nicéphore, successeur d’Irène, du temps de Charlemagne, fut assez imprudent pour marcher contre eux après avoir été vaincu par les Sarrasins ; il le fut aussi par les Bulgares. Leur roi, nommé Crom, lui coupa la tête, et fit de son crâne une coupe dont il se servait dans ses repas, selon la coutume de ces peuples, et de presque tous les hyperboréens.

On compte qu’au IXe siècle, un Bogoris, qui faisait la guerre à la princesse Théodora, mère et tutrice de l’empereur Michel, fut si charmé de la noble réponse de cette impératrice à sa déclaration de guerre, qu’il se fit chrétien.

Les Boulgares, qui n’étaient pas si complaisants, se révoltèrent contre lui ; mais Bogoris leur ayant montré une croix, ils se firent tous baptiser sur-le-champ. C’est ainsi que s’en expliquent les auteurs grecs du Bas-Empire, et c’est ainsi que le disent après eux nos compilateurs.

Et voilà justement, comme on écrit l’histoire[1].

Théodora était, disent-ils, une princesse très-religieuse, et qui même passa ses dernières années dans un couvent. Elle eut tant d’amour pour la religion catholique grecque qu’elle fit mourir, par divers supplices, cent mille hommes qu’on accusait d’être

  1. Vers de Voltaire, Charlot, I, vii.