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DE DIODORE, ET D’HÉRODOTE.

La reine, l’ayant su, dit au soldat comme de raison : « Il faut que tu meures, ou que tu assassines mon mari, et que tu règnes avec moi ; » ce qui fut fait sans difficulté.

4° Suit l’histoire d’Orion, porté par un marsouin sur la mer, du fond de la Calabre jusqu’au cap de Matapan, ce qui fait un voyage assez extraordinaire d’environ cent lieues.

5° De conte en conte (et qui n’aime pas les contes ?) on arrive à l’oracle infaillible de Delphes, qui tantôt devine que Crésus fait cuire un quartier d’agneau et une tortue dans une tourtière de cuivre, et tantôt lui prédit qu’il sera détrôné par un mulet.

6° Parmi les inconcevables fadaises dont toute l’histoire ancienne regorge, en est-il beaucoup qui approchent de la famine qui tourmenta pendant vingt-huit ans les Lydiens ? Ce peuple, qu’Hérodote nous peint plus riche en or que les Péruviens, au lieu d’acheter des vivres chez l’étranger, ne trouva d’autre secret que celui de jouer aux dames, de deux jours l’un sans manger, pendant vingt-huit années de suite.

7° Connaissez-vous rien de plus merveilleux que l’histoire de Cyrus ? Son grand-père, le Mède Astyage, qui, comme vous voyez, avait un nom grec, rêve une fois que sa fille Mandane (autre nom grec) inonde toute l’Asie en pissant ; une autre fois, que de sa matrice il sort une vigne dont toute l’Asie mange les raisins. Et là-dessus, le bonhomme Astyage ordonne à un Harpage, autre Grec, de faire tuer son petit-fils Cyrus : car il n’y a certainement point de grand-père qui n’égorge toute sa race après de tels rêves. Harpage n’obéit point. Le bon Astyage, qui était prudent et juste, fait mettre en capilotade le fils d’Harpage, et le fait manger à son père, selon l’usage des anciens héros.

8° Hérodote, non moins bon naturaliste qu’historien exact, ne manque pas de vous dire que la terre à froment, devers Babylone, rapporte trois cents pour un. Je connais un petit pays qui rapporte trois pour un. J’ai envie d’aller me transporter dans le Diarbeck quand les Turcs en seront chassés par Catherine II, qui a de très-beaux blés aussi, mais non pas trois cents pour un.

9° Ce qui m’a toujours semblé très-honnête et très-édifiant chez Hérodote, c’est la belle coutume religieuse établie dans Babylone, et dont nous avons parlé, que toutes les femmes mariées allassent se prostituer dans le temple de Milita, pour de l’argent, au premier étranger qui se présentait. On comptait deux millions d’habitants dans cette ville : il devait y avoir de la presse aux dévotions. Cette loi est surtout très-vraisemblable chez les Orientaux, qui ont toujours renfermé les dames, et qui plus de