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DÉNOMBREMENT.

différences entre les nombres et les noms des familles, on voit encore une erreur de calcul dans l’un et dans l’autre. Par le calcul d’Esdras, au lieu de quarante-deux mille hommes, on n’en trouve, après avoir tout additionné, que vingt-neuf mille huit cent dix-huit, et par celui de Néhémie, on en trouve trente et un mille quatre-vingt-neuf.

Il faut, sur cette méprise apparente, consulter les commentateurs, et surtout dom Calmet, qui, ajoutant à un de ces deux comptes ce qui manque à l’autre, et ajoutant encore ce qui leur manque à tous deux, résout toute la difficulté. Il manque aux supputations d’Esdras et de Néhémie, rapprochées par Calmet, dix mille sept cent soixante et dix-sept personnes ; mais on les retrouve dans les familles qui n’ont pu donner leur généalogie : d’ailleurs, s’il y avait quelque faute de copiste, elle ne pourrait nuire à la véracité du texte divinement inspiré.

Il est à croire que les grands rois voisins de la Palestine avaient fait les dénombrements de leurs peuples autant qu’il est possible. Hérodote nous donne le calcul de tous ceux qui suivirent Xerxès[1], sans y faire entrer son armée navale. Il compte dix-sept cent mille hommes, et il prétend que pour parvenir à cette supputation on les faisait passer en divisions de dix mille dans une enceinte qui ne pouvait tenir que ce nombre d’hommes très-pressés. Cette méthode est bien fautive, car en se pressant un peu moins il se pouvait aisément que chaque division de dix mille hommes ne fût en effet que de huit à neuf. De plus, cette méthode n’est nullement guerrière ; et il eût été beaucoup plus aisé de voir le complet en faisant marcher les soldats par rangs et par files.

Il faut encore observer combien il était difficile de nourrir dix-sept cent mille hommes dans le pays de la Grèce qu’il allait conquérir. On pourrait bien douter, et de ce nombre, et de la manière de le compter, et du fouet donné à l’Hellespont, et du sacrifice de mille bœufs fait à Minerve par un roi persan, qui ne la connaissait pas et qui ne vénérait que le soleil comme l’unique symbole de la Divinité.

Le dénombrement des dix-sept cent mille hommes n’est pas d’ailleurs complet, de l’aveu même d’Hérodote, puisque Xerxès mena encore avec lui tous les peuples de la Thrace et de la Macédoine, qu’il força, dit-il, chemin faisant, de le suivre, apparemment pour affamer plus vite son armée. On doit donc faire ici ce

  1. Hérodote, livre VII, ou Polymnie. (Note de Voltaire.)