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CYRUS.

nommé Jaddus, lequel lui avait autrefois prédit en songe la conquête de la Perse. Tous les petits se rengorgent ; les grands songent moins à leur grandeur.

Quand Tarif vient conquérir l’Espagne, les vaincus lui disent qu’ils l’ont prédit. On en dit autant à Gengis, à Tamerlan, à Mahomet II.

À Dieu ne plaise que je veuille comparer les prophéties juives à tous les diseurs de bonne aventure qui font leur cour aux victorieux, et qui leur prédisent ce qui leur est arrivé. Je remarque seulement que les Juifs produisent des témoignages de leur nation sur Cyrus, environ cent soixante ans avant qu’il fût au monde.

On trouve dans Isaïe (chap, xlv, 1) : « Voici ce que dit le Seigneur à Cyrus, qui est mon Christ, que j’ai pris par la main pour lui assujettir les nations, pour mettre en fuite les rois, pour ouvrir devant lui les portes : Je marcherai devant vous ; j’humilierai les grands ; je romprai les coffres ; je vous donnerai l’argent caché, afin que vous sachiez que je suis le Seigneur, etc. »

Quelques savants ont peine à digérer que le Seigneur gratifie du nom de son Christ un profane de la religion de Zoroastre. Ils osent dirent que les Juifs firent comme tous les faibles qui flattent les puissants, qu’ils supposèrent des prédictions en faveur de Cyrus.

Ces savants ne respectent pas plus Daniel qu’Isaïe. Ils traitent toutes les prophéties attribuées à Daniel avec le même mépris que saint Jérôme montre pour l’aventure de Suzanne, pour celle du dragon de Bélus, et pour les trois enfants de la fournaise.

Ces savants ne paraissent pas assez pénétrés d’estime pour les prophètes. Plusieurs même d’entre eux prétendent qu’il est métaphysiquement impossible de voir clairement l’avenir ; qu’il y a une contradiction formelle à voir ce qui n’est point ; que le futur n’existe pas, et par conséquent ne peut être vu ; que les fraudes en ce genre sont innombrables chez toutes les nations ; qu’il faut enfin se défier de tout dans l’histoire ancienne.

Ils ajoutent que s’il y a jamais eu une prédiction formelle, c’est celle de la découverte de l’Amérique dans Sénèque le Tragique (Médée, acte II, scène iii) :

. . . . . . . . . . . . .Venient annis
Sæcula seris quibus Oceanus
Vincula rerum laxei, et ingens
Pateat tellus, etc.

Les quatre étoiles du pôle antarctique sont annoncées encore