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CIRCONCISION.

pie, sont les seuls sur la terre qui se sont fait circoncire de tout temps : car les Phéniciens, et ceux de la Palestine, avouent qu’ils ont pris la circoncision des Égyptiens. Les Syriens qui habitent aujourd’hui sur les rivages du Thermodon et de Pathenie, et les Macrons leurs voisins, avouent qu’il n’y a pas longtemps qu’ils se sont conformés à cette coutume d’Égypte ; c’est par là principalement qu’ils sont reconnus pour Égyptiens d’origine.

« À l’égard de l’Éthiopie et de l’Égypte, comme cette cérémonie est très-ancienne chez ces deux nations, je ne saurais dire qui des deux tient la circoncision de l’autre ; il est toutefois vraisemblable que les Éthiopiens la prirent des Égyptiens ; comme, au contraire, les Phéniciens ont aboli l’usage de circoncire les enfants nouveau-nés, depuis qu’ils ont eu plus de commerce avec les Grecs. »

Il est évident, par ce passage d’Hérodote, que plusieurs peuples avaient pris la circoncision de l’Égypte ; mais aucune nation n’a jamais prétendu avoir reçu la circoncision des Juifs. À qui peut-on donc attribuer l’origine de cette coutume, ou à la nation de qui cinq ou six autres confessent la tenir, ou à une autre nation bien moins puissante, moins commerçante, moins guerrière, cachée dans un coin de l’Arabie Pétrée, qui n’a jamais communiqué le moindre de ses usages à aucun peuple ?

Les Juifs disent qu’ils ont été reçus autrefois par charité dans l’Égypte ; n’est-il pas bien vraisemblable que le petit peuple a imité un usage du grand peuple, et que les Juifs ont pris quelques coutumes de leurs maîtres ?

Clément d’Alexandrie rapporte que Pythagore, voyageant chez les Égyptiens, fut obligé de se faire circoncire, pour être admis à leurs mystères ; il fallait donc absolument être circoncis pour être au nombre des prêtres d’Égypte. Ces prêtres existaient lorsque Joseph arriva en Égypte ; le gouvernement était très-ancien, et les cérémonies antiques de l’Égypte observées avec la plus scrupuleuse exactitude.

Les Juifs avouent qu’ils demeurèrent pendant deux cent cinq ans en Égypte ; ils disent qu’ils ne se firent point circoncire dans cet espace de temps : il est donc clair que, pendant deux cent cinq ans, les Égyptiens n’ont pas reçu la circoncision des Juifs ; l’auraient-ils prise d’eux, après que les Juifs leur eurent volé tous les vases qu’on leur avait prêtés, et se furent enfuis dans le désert avec leur proie, selon leur propre témoignage ? Un maître adoptera-t-il la principale marque de la religion de son esclave voleur et fugitif ? Cela n’est pas dans la nature humaine.