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CIEL DES ANCIENS.

sées, et quand ils l’ont fait, les charlatans de la terre les ont envoyés au ciel par le plus court chemin.

Un écrivain, qu’on nomme, je crois, Pluche, a prétendu faire de Moïse un grand physicien ; un autre avait auparavant concilié Moïse avec Descartes, et avait imprimé le Cartesius mosaïzans[1] ; selon lui. Moïse avait inventé le premier les tourbillons et la matière subtile ; mais on sait assez que Dieu, qui fit de Moïse un grand législateur, un grand prophète, ne voulut point du tout en faire un professeur de physique ; il instruisit les Juifs de leur devoir, et ne leur enseigna pas un mot de philosophie. Calmet, qui a beaucoup compilé, et qui n’a raisonné jamais, parle du système des Hébreux ; mais ce peuple grossier était bien loin d’avoir un système ; il n’avait pas même d’école de géométrie ; le nom leur en était inconnu ; leur seule science était le métier de courtier et l’usure.

On trouve dans leurs livres quelques idées louches, incohérentes, et dignes en tout d’un peuple barbare, sur la structure du ciel. Leur premier ciel était l’air ; le second, le firmament, où étaient attachées les étoiles : ce firmament était solide et de glace, et portait les eaux supérieures, qui s’échappèrent de ce réservoir par des portes, des écluses, des cataractes, au temps du déluge.

Au-dessus de ce firmament, ou de ces eaux supérieures, était le troisième ciel, ou l’empyrée, où saint Paul fut ravi. Le firmament était une espèce de demi-voûte qui embrassait la terre. Le soleil ne faisait point le tour d’un globe qu’ils ne connaissaient pas. Quand il était parvenu à l’occident, il revenait à l’orient par un chemin inconnu ; et si on ne le voyait pas, c’était, comme le dit le baron de Fœneste, parce qu’il revenait de nuit[2].

Encore les Hébreux avaient-ils pris ces rêveries des autres peuples. La plupart des nations, excepté l’école des Chaldéens, regardaient le ciel comme solide ; la terre fixe et immobile était plus longue d’orient en occident, que du midi au nord, d’un grand tiers : de là viennent ces expressions de longitude et de latitude que nous avons adoptées. On voit que dans cette opinion il était impossible qu’il y eût des antipodes. Aussi saint Augustin traite l’idée des antipodes d’absurdité ; et Lactance, que nous avons

  1. Jean Amerpoel est auteur du Cartesius mosaïzans, seu evidens et facilis conciliato philosophiœ Cartesii cum historia creationis primo capite Geneseos per Mosem tradita, Leuwarden, 1669, in-12.
  2. Voyez la note 1 de la page 185.