Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188
CIEL DES ANCIENS.

Cette physique d’enfants et de vieilles était prodigieusement ancienne : cependant on croit que les Chaldéens avaient des idées presque aussi saines que nous de ce qu’on appelle le ciel ; ils plaçaient le soleil au centre de notre monde planétaire, à peu près à la distance de notre globe que nous avons reconnue ; ils faisaient tourner la terre et quelques planètes autour de cet astre : c’est ce que nous apprend Aristarque de Samos ; c’est à peu près le système du monde que Copernic a perfectionné depuis ; mais les philosophes gardaient le secret pour eux, afin d’être plus respectés des rois et du peuple, ou plutôt pour n’être pas persécutés.

Le langage de l’erreur est si familier aux hommes que nous appelons encore nos vapeurs, et l’espace de la terre à la lune, du nom de ciel ; nous disons monter au ciel, comme nous disons que le soleil tourne, quoiqu’on sache bien qu’il ne tourne pas. Nous sommes probablement le ciel pour les habitants de la lune, et chaque planète place son ciel dans la planète voisine.

Si on avait demandé à Homère dans quel ciel était allée l’âme de Sarpédon, et où était celle d’Hercule, Homère eût été bien embarrassé : il eût répondu par des vers harmonieux.

Quelle sûreté avait-on que l’âme aérienne d’Hercule se fût trouvée plus à son aise dans Vénus, dans Saturne, que sur notre globe ? Aurait-elle été dans le soleil ? la place ne paraît pas tenable dans cette fournaise. Enfin, qu’entendaient les anciens par le ciel ? ils n’en savaient rien ; ils criaient toujours le ciel et la terre ; c’est comme si l’on criait l’infini et un atome. Il n’y a point, à proprement parler, de ciel ; il y a une quantité prodigieuse de globes qui roulent dans l’espace vide, et notre globe roule comme les autres.

Les anciens croyaient qu’aller dans les cieux c’était monter ; mais on ne monte point d’un globe à un autre ; les globes célestes sont tantôt au-dessus de notre horizon, tantôt au-dessous. Ainsi, supposons que Vénus, étant venue à Paphos, retournât dans sa planète quand cette planète était couchée, la déesse Vénus ne montait point alors par rapport à notre horizon : elle descendait, et on devait dire en ce cas descendre au ciel. Mais les anciens n’y entendaient pas tant de finesse ; ils avaient des notions vagues, incertaines, contradictoires, sur tout ce qui tenait à la physique. On a fait des volumes immenses pour savoir ce qu’ils pensaient sur bien des questions de cette sorte. Quatre mots auraient suffi : Ils ne pensaient pas. Il faut toujours en excepter un petit nombre de sages, mais ils sont venus tard ; peu ont expliqué leurs pen-