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CIEL MATÉRIEL.

«[1] Cette figure représente à peu près en quelle proportion le soleil et la lune doivent être aperçus dans la courbe A B, et comment les astres doivent paraître plus rapprochés les uns des autres dans la même courbe. »

1° Telles sont les lois de l’optique, telle est la nature de vos yeux, que premièrement le ciel matériel, les nuages, la lune, le soleil, qui est si loin de vous, les planètes qui dans leur apogée en sont encore plus loin, tous les astres placés à des distances encore plus immenses, comètes, météores, tout doit vous paraître dans cette voûte surbaissée composée de votre atmosphère.

2° Pour moins compliquer cette vérité, observons seulement ici le soleil, qui semble parcourir le cercle A B.

Il doit vous paraître au zénith plus petit qu’à quinze degrés au-dessous, à trente degrés encore plus gros, et enfin à l’horizon encore davantage ; tellement que ses dimensions dans le ciel inférieur décroissent en raison de ses hauteurs dans la progression suivante :

À l’horizon 
 100
À quinze degrés 
 68
À trente degrés 
 50
À quarante-cinq degrés 
 40

Ses grandeurs apparentes dans la voûte surbaissée sont comme ses hauteurs apparentes ; et il en est de même de la lune et d’une comète[2].

3° Ce n’est point l’habitude, ce n’est point l’interposition des terres, ce n’est point la réfraction de l’atmosphère, qui causent cet effet, Malebranche et Régis ont disputé l’un contre l’autre ; mais Robert Smith a calculé[3].

4° Observez les deux étoiles qui, étant à une prodigieuse distance l’une de l’autre et à des profondeurs très-différentes dans l’immensité de l’espace, sont considérées ici comme placées dans le cercle que le soleil semble parcourir. Vous les voyez distantes

  1. Le texte de cet alinéa et la figure qui le précède sont conformes aux éditions de 1770, 1771 et 1775. L’édition in-4o de 1774 diffère pour la figure et pour l’explication qui la suit. (B.)
  2. Voyez l’optique de Robert Smith. (Note de Voltaire.)
  3. L’opinion de Smith est au fond la même que celle de Malebranche : puisque les astres au zénith et à l’horizon sont vus sous un angle à peu près égal, la différence apparente de grandeur ne peut venir que de la même cause qui nous fait juger un corps de cent pouces, vu à cent pieds, plus grand qu’un corps d’un pouce, vu à un pied ; et cette cause ne peut être qu’un jugement de l’âme devenu habituel, et dont par cette raison nous avons cessé d’avoir une conscience distincte. (K.)