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CHRISTIANISME.

aussi grand et aussi peuplé que le Languedoc ou la Normandie, il est absurde de n’avoir qu’une église. Où en seraient les habitants de Montpellier s’ils ne pouvaient entendre la messe qu’à Toulouse ?

La troisième faction était des Juifs hellénistes, composée principalement de ceux qui commerçaient, et qui exerçaient des métiers en Égypte et en Grèce. Ceux-là avaient le même intérêt que les Samaritains. Onias, fils d’un grand-prêtre juif, et qui voulait être grand-prêtre aussi, obtint du roi d’Égypte Ptolémée Philométor, et surtout de Cléopâtre sa femme, la permission de bâtir un temple juif auprès de Bubaste. Il assura la reine Cléopâtre qu’Isaïe avait prédit qu’un jour le Seigneur aurait un temple dans cet endroit-là. Cléopâtre, à qui il fit un beau présent, lui manda que puisque Isaïe l’avait dit, il fallait l’en croire. Ce temple fut nommé l’Onion ; et si Onias ne fut pas grand-sacrificateur, il fut capitaine d’une troupe de milice. Ce temple fut construit cent soixante ans avant notre ère vulgaire. Les Juifs de Jérusalem eurent toujours cet Onion en horreur, aussi bien que la traduction dite des Septante. Ils instituèrent même une fête d’expiation pour ces deux prétendus sacriléges.

Les rabbins de l’Onion, mêlés avec les Grecs, devinrent plus savants (à leur mode) que les rabbins de Jérusalem et de Samarie ; et ces trois factions commencèrent à disputer entre elles sur des questions de controverse, qui rendent nécessairement l’esprit subtil, faux, et insociable.

Les Juifs égyptiens, pour égaler l’austérité des esséniens et des judaïtes de la Palestine, établirent, quelque temps avant le christianisme, la secte des thérapeutes, qui se vouèrent comme eux à une espèce de vie monastique et à des mortifications.

Ces différentes sociétés étaient des imitations des anciens mystères égyptiens, persans, thraciens, grecs, qui avaient inondé la terre depuis l’Euphrate et le Nil jusqu’au Tibre.

Dans les commencements, les initiés admis à ces confréries étaient en petit nombre, et regardés comme des hommes privilégiés, séparés de la multitude ; mais du temps d’Auguste, leur nombre fut très-considérable ; de sorte qu’on ne parlait que de religion du fond de la Syrie au mont Atlas et à l’Océan germanique.

Parmi tant de sectes et de cultes s’était établie l’école de Platon, non-seulement dans la Grèce, mais à Rome, et surtout dans l’Égypte. Platon avait passé pour avoir puisé sa doctrine chez les Égyptiens ; et ceux-ci croyaient revendiquer leur propre