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BETHSAMÈS.

peuple de Dieu, situé à deux milles au nord de Jérusalem, selon les commentateurs.

Les Phéniciens ayant battu les Juifs du temps de Samuel, et leur ayant pris leur arche d’alliance dans la bataille où ils leur tuèrent trente mille hommes, en furent sévèrement punis par le Seigneur[1] « Percussit eos in secretiori parte natium..., et ebullierunt villæ et agri... et nati sunt mures, et facta est confusio mortis magna in civitate. » Mot à mot : « Il les frappa dans la plus secrète partie des fesses..., et les granges et les champs bouillirent, et il naquit des rats, et une grande confusion de mort se fit dans la cité. »

Les prophètes des Phéniciens ou Philistins les ayant avertis qu’ils ne pouvaient se délivrer de ce fléau qu’en donnant au Seigneur cinq rats d’or et cinq anus d’or, et en lui renvoyant l’arche juive, ils accomplirent cet ordre, et renvoyèrent, selon l’exprès commandement de leurs prophètes, l’arche avec les cinq rats et les cinq anus, sur une charrette attelée de deux vaches qui nourrissaient chacune leur veau, et que personne ne conduisait.

Ces deux vaches amenèrent d’elles-mêmes l’arche et les présents droit à Bethsamès ; les Bethsamites s’approchèrent et voulurent regarder l’arche. Cette liberté fut punie encore plus sévèrement que ne l’avait été la profanation des Phéniciens. Le Seigneur frappa de mort subite soixante et dix personnes du peuple, et cinquante mille hommes de la populace.

Le révérend docteur Kennicott, Irlandais, a fait imprimer, en 1768, un commentaire français sur cette aventure, et l’a dédié à Sa Grandeur l’évêque d’Oxford. Il s’intitule, à la tête de ce commentaire, « docteur en théologie, membre de la Société royale de Londres, de l’Académie palatine, de celle de Gottingue, et de l’Académie des inscriptions de Paris ». Tout ce que je sais, c’est qu’il n’est pas de l’Académie des inscriptions de Paris : peut-être en est-il correspondant. Sa vaste érudition a pu le tromper ; mais les titres ne font rien à la chose.

Il avertit le public que sa brochure se vend à Paris, chez Saillant et chez Molini ; à Rome, chez Monaldini ; à Venise, chez Pasquali ; à Florence, chez Cambiagi ; à Amsterdam, chez Marc-Michel Rey ; à La Haye, chez Gosse ; à Leyde, chez Jaquau ; à Londres, chez Béquet, qui reçoivent les souscriptions.

Il prétend prouver dans sa brochure, appelée en anglais

  1. Livre de Samuel, ou Ier des Rois, chapitre v, v. 6. (Note de Voltaire.)