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BAPTÊME.

comme les prêtres catholiques romains seraient en droit de se plaindre qu’un laïque s’ingérât de dire la messe. Jean faisait une chose légale ; mais il ne la faisait pas légalement.

Jean voulut avoir des disciples, et il en eut. Il fut chef de secte dans le bas peuple, et c’est ce qui lui coûta la vie. Il paraît même que Jésus fut d’abord au rang de ses disciples, puisqu’il fut baptisé par lui dans le Jourdain, et que Jean lui envoya des gens de son parti quelque temps avant sa mort.

L’historien Josèphe parle de Jean, et ne parle pas de Jésus ; c’est une preuve incontestable que Jean-Baptiste avait de son temps beaucoup plus de réputation que celui qu’il baptisa. Une grande multitude le suivait, dit ce célèbre historien, et les Juifs paraissaient disposés à entreprendre tout ce qu’il leur eût commandé. Il paraît par ce passage que Jean était non-seulement un chef de secte, mais un chef de parti. Josèphe ajoute qu’Hérode en conçut de l’inquiétude. En effet il se rendit redoutable à Hérode, qui le fit enfin mourir ; mais Jésus n’eut affaire qu’aux pharisiens : voilà pourquoi Josèphe fait mention de Jean comme d’un homme qui avait excité les Juifs contre le roi Hérode, comme d’un homme qui s’était rendu par son zèle criminel d’État ; au lieu que Jésus, n’ayant pas approché de la cour, fut ignoré de l’historien Josèphe !

La secte de Jean-Baptiste subsista très-différente de la discipline de Jésus. On voit dans les Actes des apôtres que vingt ans après le supplice de Jésus Apollo d’Alexandrie, quoique devenu chrétien, ne connaissait que le baptême de Jean, et n’avait aucune notion du Saint-Esprit. Plusieurs voyageurs, et entre autres Chardin, le plus accrédité de tous, disent qu’il y a encore en Perse des disciples de Jean, qu’on appelle Sabis, qui se baptisent en son nom, et qui reconnaissent à la vérité Jésus pour un prophète, mais non pas pour un Dieu[1].

À l’égard de Jésus, il reçut le baptême, mais ne le conféra à personne ; ses apôtres baptisaient les catéchumènes ou les circoncisaient, selon l’occasion : c’est ce qui est évident par l’opération de la circoncision que Paul fit à Timothée son disciple.

  1. « Les ablutions étaient (au temps de Jean-Baptiste) déjà familières aux Juifs, dit M. Renan, Vie de Jésus, comme à toutes les religions de l’Orient. Les esséniens leur avaient donné une extension particulière. Le baptême était devenu une cérémonie ordinaire de l’introduction des prosélytes dans le sein de la religion juive, une sorte d’initiation. Jamais, pourtant, avant notre Baptiste, on n’avait donné à l’immersion cette importance ni cette forme... La pratique fondamentale qui donnait à la secte de Jean son caractère, et qui lui a valu son nom, a toujours eu son centre dans la basse Chaldée et y constitue une religion qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours... »