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AUGUSTIN.

sur des tapis de pourpre, sans draps, avec sa concubine ; sa femme, dans un autre appartement parfumé, couchait avec son amant. Les enfants, les précepteurs, les domestiques, avaient leurs chambres séparées ; mais le peuple couchait pêle-mêle dans des galetas. On ne faisait pas beaucoup de façons dans la ville de Tagaste en Afrique. Le père d’Augustin menait son fils au bain des pauvres.

Ce saint raconte que son père le vit dans un état de virilité qui lui causa une joie vraiment paternelle, et qui lui fit espérer d’avoir bientôt des petits-fils in ogni modo ; comme de fait il en eut.

Le bonhomme s’empressa même d’aller conter cette nouvelle à sainte Monique, sa femme.

Quant à cette puberté prématurée d’Augustin, ne peut-on pas l’attribuer à l’usage anticipé de l’organe de la génération ? Saint Jérôme parle d’un enfant de dix ans dont une femme abusait, et dont elle conçut un fils. (Épître ad Vitalem, tome III.)

Saint Augustin, qui était un enfant très-libertin, avait l’esprit aussi prompt que la chair. Il dit[1] qu’ayant à peine vingt ans, il apprit sans maître la géométrie, l’arithmétique et la musique.

Cela ne prouve-t-il pas deux choses, que dans l’Afrique, que nous nommons aujourd’hui la Barbarie, les corps et les esprits sont plus avancés que chez nous ?

Ces avantages précieux de saint Augustin conduisent à croire qu’Empédocle n’avait pas tant de tort de regarder le feu comme le principe de la nature. Il est aidé, mais par des subalternes : c’est un roi qui fait agir tous ses sujets. Il est vrai qu’il enflamme quelquefois un peu trop les imaginations de son peuple. Ce n’est pas sans raison que Syphax dit à Juba, dans le Caton d’Addison, que le soleil, qui roule son char sur les têtes africaines, met plus de couleur sur leurs joues, plus de feu dans leurs cœurs, et que les dames de Zama sont très-supérieures aux pâles beautés de l’Europe, que la nature n’a qu’à moitié pétries.

Où sont, à Paris, à Strasbourg, à Ratisbonne, à Vienne, les jeunes gens qui apprennent l’arithmétique, les mathématiques, la musique, sans aucun secours, et qui soient pères à quatorze ans ?

Ce n’est point sans doute une fable, qu’Atlas, prince de Mauritanie, appelé fils du Ciel par les Grecs, ait été un célèbre astronome, qu’il ait fait construire une sphère céleste comme il en est à la Chine depuis tant de siècles. Les anciens, qui exprimaient tout en allégories, comparèrent ce prince à la montagne

  1. Confessions, livre IV, chapitre xvi. (Note de Voltaire.)