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ANA, ANECDOTES.

gueuses des rues de Paris, qu’on tolère quelque temps pour le service des jeunes gens désœuvrés, qu’on renferme à l’hôpital trois ou quatre fois par an, et qui en sortent pour reprendre leur premier métier.

« J’ai lu les feuilles que vous m’avez envoyées. Je ne suis pas étonné que maître Aliboron crie un peu sous les coups de fouet que je lui ai donnés. Depuis que je me suis amusé à immoler ce polisson à la risée publique sur tous les théâtres de l’Europe, il est juste qu’il se plaigne un peu. Je ne l’ai jamais vu, Dieu merci ! Il m’écrivit une grande lettre il y a environ vingt ans. J’avais entendu parler de ses mœurs, et par conséquent je ne lui fis point de réponse. Voilà l’origine de toutes les calomnies qu’on dit qu’il débita contre moi dans ses feuilles. Il faut le laisser faire ; les gens condamnés par leurs juges ont permission de leur dire des injures.

« Je ne sais ce que c’est qu’une comédie italienne qu’il m’impute, intitulée Quand me mariera-t-on[1] ? Voilà la première fois que j’en ai entendu parler. C’est un mensonge absurde. Dieu a voulu que j’aie fait des pièces des théâtre pour mes péchés ; mais je n’ai jamais fait de farce italienne. Rayez cela de vos anecdotes.

« Je ne sais comment une lettre que j’écrivis à milord Littleton et sa réponse sont tombées entre les mains de ce Fréron, mais je puis vous assurer qu’elles sont toutes deux entièrement falsifiées. Jugez-en, je vous en envoie les originaux.

« Ces messieurs les folliculaires ressemblent assez aux chiffonniers, qui vont ramassant des ordures pour faire du papier.

« Ne voilà-t-il pas encore une belle anecdote, et bien digne du public, qu’une lettre de moi au professeur Haller, et une lettre du professeur Haller à moi ! Et de quoi s’avisa M. Haller de faire courir mes lettres et les siennes ? et de quoi s’avise un folliculaire de les imprimer et de les falsifier pour gagner cinq sous ? Il me la fait signer du château de Tourney, où je n’ai jamais demeurée[2].

« Ces impertinences amusent un moment des jeunes gens

  1. La pièce dont il s’agit est celle que l’on trouve, tome II du Théâtre, sous le titre de l’Échange, ou Quand est-ce qu’on me marie ?
  2. Dans une petite brochure intitulée Réponse au Pauvre Diable, 1760, in-12, de 23 pages, on trouve sans date une Lettre de Voltaire à Haller (c’est celle du 13 février 1759 ; et la Réponse de Haller. Ces deux lettres sont précédées d’un Mémoire daté de Tourney, le 12 février 1759. C’est probablement de cette pièce que Voltaire veut parler. Ou la trouvera dans les Mélanges, année 1750.