Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome16.djvu/611

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
601
DES LOIS.


le titre d’Oulogénie ; il était même imprimé, mais il s’en fallait beaucoup qu’il pût suffire.

Pierre avait, dans ses voyages, amassé des matériaux pour rebâtir ce grand édifice qui croulait de toutes parts : il tira des instructions du Danemark, de la Suède, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la France, et prit de ces différentes nations ce qu’il crut qui convenait à la sienne.

Il y avait une cour de boïards qui décidait en dernier ressort des affaires contentieuses ; le rang et la naissance y donnaient séance, il fallait que la science la donnât : cette cour fut cassée.

Il créa un procureur général, auquel il joignit quatre assesseurs dans chacun des gouvernements de l’empire : ils furent chargés de veiller à la conduite des juges, dont les sentences ressortirent au sénat qu’il établit ; chacun de ces juges fut pourvu d’un exemplaire de l’Oulogénie, avec les additions et les changements nécessaires, en attendant qu’on pût rédiger un corps complet de lois.

Il défendit à tous ces juges, sous peine de mort, de recevoir ce que nous appelons des épices : elles sont médiocres chez nous ; mais il serait bon qu’il n’y en eût point. Les grands frais de notre justice sont les salaires des subalternes, la multiplicité des écritures, et surtout cet usage onéreux, dans les procédures, de composer les lignes de trois mots, et d’accabler ainsi sous un tas immense de papiers les fortunes des citoyens. Le czar eut soin que les frais fussent médiocres, et la justice prompte. Les juges, les greffiers, eurent des appointements du trésor public, et n’achetèrent point leurs charges.

Ce fut principalement dans l’année 1718, pendant qu’il instruisait solennellement le procès de son fils, qu’il fit ces règlements. La plupart des lois qu’il porta furent tirées de celles de la Suède, et il ne fit point de difficulté d’admettre dans les tribunaux les prisonniers suédois instruits de la jurisprudence de leur pays, et qui, ayant appris la langue de l’empire, voulurent rester en Russie.

Les causes des particuliers ressortirent au gouvernement de la province et à ses assesseurs ; ensuite on pouvait en appeler au sénat, et si quelqu’un, après avoir été condamné par le sénat, en appelait au czar même, il était déclaré digne de mort en cas que son appel fût injuste ; mais, pour tempérer la rigueur de cette loi, il créa un maître général des requêtes, qui recevait les placets de tous ceux qui avaient au sénat, ou dans les cours inférieures, des affaires sur lesquelles la loi ne s’était pas encore expliquée.

Enfin il acheva, en 1722, son nouveau code, et il défendit,