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TRIOMPHE DE PIERRE LE GRAND.


faisait revivre les anciennes prétentions des czars sur la Livonie, l’Ingrie, la Carélie, et sur une partie de la Finlande ; le Danemark revendiquait la Scanie ; le roi de Prusse, la Poméranie.

La valeur infortunée de Charles ébranlait ainsi tous les édifices que la valeur heureuse de Gustave-Adolphe avait élevés. La noblesse polonaise venait en foule confirmer ses serments à son roi, ou lui demander pardon de l’avoir abandonné ; presque tous reconnaissaient Pierre pour leur protecteur.

Aux armes du czar, à ces traités, à cette révolution subite, Stanislas n’eut à opposer que sa résignation ; il répandit un écrit qu’on appelle Universal, dans lequel il dit qu’il est prêt à renoncer à la couronne si la république l’exige.

Pierre, après avoir tout concerté avec le roi de Pologne, et ayant ratifié le traité avec le Danemark, partit incontinent pour achever sa négociation avec le roi de Prusse. Il n’était pas encore en usage chez les souverains d’aller faire eux-mêmes les fonctions de leurs ambassadeurs : ce fut Pierre qui introduisit cette coutume nouvelle et peu suivie. L’électeur de Brandebourg, premier roi de Prusse, alla conférer avec le czar à Marienverder, petite ville située dans la partie occidentale de la Poméranie, bâtie par les chevaliers teutoniques, et enclavée dans la lisière de la Prusse devenue royaume. Ce royaume était petit et pauvre, mais son nouveau roi y étalait, quand il y voyageait, la pompe la plus fastueuse : c’est dans cet éclat qu’il avait déjà reçu Pierre à son premier passage, quand ce prince quitta son empire pour aller s’instruire chez les étrangers. Il reçut le vainqueur de Charles XII avec encore plus de magnificence. Pierre ne conclut d’abord avec le roi de Prusse qu’un traité défensif[1], mais qui ensuite acheva la ruine des affaires de Suède.

Nul instant n’était perdu. Pierre, après avoir achevé rapidement les négociations qui partout ailleurs sont si longues, va joindre son armée devant Riga, la capitale de la Livonie, commence par bombarder la place[2], met feu lui-même aux trois premières bombes, forme ensuite un blocus ; et, sûr que Riga ne lui peut échapper, il va veiller aux ouvrages de sa ville de Pétersbourg, à la construction des maisons, à sa flotte, pose de ses mains la quille d’un vaisseau[3] de cinquante-quatre canons, et part ensuite pour Moscou. Il se fit un amusement de travailler aux préparatifs

  1. 20 octobre. (Note de Voltaire.)
  2. 21 novembre. (Id.)
  3. 3 décembre. (Id.)