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BATAILLE DE PULTAVA.


nouveau brancard tout prêt. Pierre reçut plusieurs coups dans ses habits et dans son chapeau ; ces deux princes furent continuellement au milieu du feu pendant toute l’action. Enfin, après deux heures de combat, les Suédois furent partout enfoncés ; la confusion se mit parmi eux, et Charles XII fut obligé de fuir devant celui qu’il avait tant méprisé. On mit à cheval, dans sa fuite, ce même héros qui n’avait pu y monter pendant la bataille ; la nécessité lui rendit un peu de force ; il courut en souffrant d’extrêmes douleurs, devenues encore plus cuisantes par celle d’être vaincu sans ressource. Les Russes comptèrent neuf mille deux cent vingt-quatre Suédois morts sur le champ de bataille[1] : ils firent pendant l’action deux à trois mille prisonniers, surtout dans la cavalerie[2].

Charles XII précipitait sa fuite avec environ quatorze mille combattants, très-peu d’artillerie de campagne, de vivres, de munitions et de poudre. Il marcha vers le Borysthène, au midi, entre les rivières de Vorskla et de Sol[3], dans le pays des Zaporaviens. Par-delà le Borysthène, en cet endroit, sont de grands déserts qui conduisent aux frontières de la Turquie. Nordberg assure que les vainqueurs n’osèrent poursuivre Charles ; cependant il avoue que le prince Menzikoff se présenta sur les hauteurs avec dix mille hommes de cavalerie et un train d’artillerie considérable, quand le roi passait le Borysthène.

Quatorze mille Suédois se rendirent prisonniers de guerre[4] à ces dix mille Russes ; Levenhaupt, qui les commandait, signa cette fatale capitulation, par laquelle il livrait au czar les Zaporaviens, qui, ayant combattu pour son roi, se trouvaient dans cette armée fugitive. Les principaux prisonniers faits dans la bataille et par la capitulation furent le comte Piper, premier ministre, avec deux secrétaires d’État et deux du cabinet ; le feld-maréchal Rehnskold, les généraux Levenhaupt, Slipenbach, Rosen, Stackelberg, Creutz, Hamilton, trois aides de camp généraux, l’auditeur général de l’armée, cinquante-neuf officiers de l’état-major, cinq colonels, parmi lesquels était un prince de Vurtenberg ; seize mille neuf cent quarante-deux soldats ou bas officiers ; enfin, en y comprenant les domestiques du roi et d’autres personnes suivant l’armée, il y en eut dix-huit mille sept cent quarante-six au pouvoir

  1. Voyez page 249.
  2. Tout ce récit est broché. Il faut lire la bataille dans Charles XII. (G. A.)
  3. Ou Psol. (Note de Voltaire.)
  4. 12 juillet, (Id.)