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COMMENCEMENT DES TROUBLES CIVILS.


Lyon, frère du cardinal de Richelieu, celui de Ligny, et Mazarin. Il prononça intelligiblement ces paroles : « Mes affaires m’amènent au parlement ; monsieur le chancelier expliquera ma volonté. »

Le chancelier Séguier l’expliqua en lisant les dix-neuf édits. L’avocat général Omer Talon prononça une harangue en portant le genou sur sa banquette selon l’usage ; et comme il était le harangueur le plus éloquent de la compagnie, il dit au roi « qu’il était un soleil ; que quand le soleil n’envoie que quelques rayons dans une chambre par la fenêtre, sa lumière est féconde et bienfaisante : c’est le symbole de la bonne fortune ; mais qu’il est périlleux de songer que ce grand astre y entre tout entier, parce qu’il détruit par son activité tout ce qui entre dans ses voies, etc.[1] »

Après cette harangue, qui fut assez longue, surtout pour un roi âgé de sept ans, le chancelier demanda le suffrage des princes et des pairs : les présidents se formalisèrent qu’on n’eût pas commencé par eux ; ils furent d’avis de faire des remontrances[2]. Les enquêtes dirent que leur conscience ne leur permettait pas d’enregistrer les édits. Le chancelier répondit que la conscience en affaires d’État était d’une autre nature que la conscience ordinaire, et il fit faire l’enregistrement d’autorité.



CHAPITRE LV.

COMMENCEMENT DES TROUBLES CIVILS, CAUSÉS PAR L’ADMINISTRATION DES FINANCES.

La cour était encore toute-puissante. Le cardinal Mazarin ménageait cette célèbre paix de Munster, par laquelle les Français et les Suédois furent les législateurs de l’empire, et qui fut enfin conclue en 1648. Le prince de Condé, par ses victoires, donnait à la France la supériorité qu’elle eut dans ce traité. L’Espagne, encore plus obérée que la France, ne paraissait pas une ennemie dangereuse ; ses finances étaient aussi épuisées que les nôtres,

  1. Talon, tome III, page 360. (Note de Voltaire.)
  2. Ibid. (Id.)