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RÉFORME DANS L'ÉGLISE.


On connut après la mort de Le Fort que les changements préparés dans l’État ne venaient pas de lui, mais du czar. Il s’était confirmé dans ses projets par les conversations avec Le Fort ; mais il les avait tous conçus, et il les exécuta sans lui.

Dès qu’il eut détruit les strélitz, il établit des régiments réguliers sur le modèle allemand ; ils eurent des habits courts et uniformes, au lieu de ces jaquettes incommodes dont ils étaient vêtus auparavant : l’exercice fut plus régulier.

Les gardes Préobazinski étaient déjà formées : ce nom leur venait de cette première compagnie de cinquante hommes que le czar, jeune encore, avait exercée dans la retraite de Préobazinski, du temps que sa sœur Sophie gouvernait l’État ; et l’autre régiment des gardes était aussi établi.

Comme il avait passé lui-même par les plus bas grades militaires, il voulut que les fils de ses boïards et de ses knès commençassent par être soldats avant d’être officiers. Il en mit d’autres sur la flotte à Véronise et vers Azof, et il fallut qu’ils fissent l’apprentissage de matelot. On n’osait refuser un maître qui avait donné l’exemple. Les Anglais et les Hollandais travaillaient à mettre cette flotte en état, à construire des écluses, à établir des chantiers où l’on pût caréner les vaisseaux à sec, à reprendre le grand ouvrage de la jonction du Tanaïs et du Volga, abandonné par l’Allemand Brakel. Dès lors les réformes dans son conseil d’État, dans les finances, dans l’Église, dans la société même, furent commencées.

Les finances étaient à peu près administrées comme en Turquie. Chaque boïard payait pour ses terres une somme convenue qu’il levait sur ses paysans serfs ; le czar établit pour ses receveurs des bourgeois, des bourgmestres, qui n’étaient pas assez puissants pour s’arroger le droit de ne payer au trésor public que ce qu’ils voudraient. Cette nouvelle administration des finances fut ce qui lui coûta le plus de peine ; il fallut essayer de plus d’une méthode avant de se fixer.

La réforme dans l’Église, qu’on croit partout difficile et dangereuse, ne le fut point pour lui. Les patriarches avaient quelquefois combattu l’autorité du trône, ainsi que les strélitz : Nicon, avec audace ; Joachim, un des successeurs de Nicon, avec souplesse. Les évêques s’étaient arrogé le droit du glaive, celui de condamner à des peines afflictives et à la mort, droit contraire à l’esprit de la religion et au gouvernement : cette usurpation ancienne leur fut ôtée. Le patriarche Adrien étant mort à la fin du siècle, Pierre déclara qu’il n’y en aurait plus. Cette dignité fut entièrement