Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome16.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
MINISTÈRE DE MAZARIN.


Geneviève, qu’on croyait la patronne du royaume parce qu’elle l’était de Paris, conféra cette dignité à la vierge Marie[1].

Ce fut une très-grande solennité dans l’église de Notre-Dame. Les cours supérieures y assistèrent. Le premier président du parlement marcha le premier à la procession. Les présidents à mortier ne voulurent pas souffrir que le premier président des comptes le suivit. Celui-ci, qui était grand et vigoureux, prit un président à mortier à brasse-le-corps, et le renversa par terre. Chaque président des comptes gourma un président du parlement, et fut gourmé. Les maîtres s’attaquèrent aux conseillers. Le duc de Montbazon mit l’épée à la main avec ses gardes pour arrêter le désordre, et l’augmenta. Les deux partis allèrent verbaliser chacun de leur côté. Le roi ordonna que dorénavant le parlement sortirait de Notre-Dame par la grande porte, et la chambre des comptes par la petite.



CHAPITRE LIV.

COMMENCEMENT DES TROUBLES PENDANT LE MINISTÈRE DE MAZARIN. LE PARLEMENT SUSPEND POUR LA PREMIÈRE FOIS LES FONCTIONS DE LA JUSTICE.

De l’humiliation où le parlement fut plongé par le cardinal de Richelieu, il monta tout d’un coup au plus haut degré de puissance, immédiatement après la mort de Louis XIII. Le duc d’Épernon l’avait forcé, les armes à la main, de se saisir du droit de donner la régence à Marie de Médicis. Ce nouveau droit parut aux yeux d’Anne d’Autriche aussi ancien que la monarchie. Il l’exerça librement dans toute sa plénitude. Non-seulement il déclara la reine régente par un arrêt[2], mais il cassa le testament de Louis XIII comme on casse celui d’un citoyen, qui n’est pas fait selon les lois[3]. La régente et la cour étaient bien loin alors de douter du pouvoir du parlement, et de lui contester une prérogative dont elles tiraient tout l’avantage. Le parlement décida,

  1. Les lettres patentes sont du 10 février 1638.
  2. 18 mai 1613. (Note de Voltaire.)
  3. Voyez, tome XIV, le chapitre III du Siècle de Louis XIV.