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ASSASSINAT DES GUISES.


sortit de Paris et alla tenir les seconds états de Blois. Il n’y eut aucun député du parlement de Paris ; presque tout ce qui composait les états était attaché aux Guises.

Le roi fut d’abord obligé de renouveler le serment d’union de la sainte Ligue, triste cérémonie dont il s’était lui-même imposé la nécessité. Cette démarche enhardit le clergé à demander tout d’une voix que Henri de Navarre fût déclaré exclus de tout droit à la couronne. Il fut secondé par le corps de la noblesse et par celui du tiers état.

L’archevêque d’Embrun, Guillaume d’Avençon, suivi de douze députés de chaque ordre, vint supplier le roi de confirmer leur résolution. Cet attentat contre la loi fondamentale du royaume était encore plus solennel que le jugement rendu contre le roi Charles VII[1], puisqu’il était fait par ceux qui représentaient le royaume entier; mais Henri III commençait déjà à rouler dans son esprit un autre attentat tout différent.

Il voyait le duc et le cardinal de Guise maîtres de la délibération des états : on le forçait à faire la guerre à Henri de Navarre, et on lui refusait de l’argent pour la soutenir. Il résolut la mort de ces deux frères. Le maréchal d’Aumont lui conseilla de les mettre entre les mains de la justice, et de les faire punir comme criminels de lèse-majesté. Ce parti eût été le plus juste et le plus noble, mais il était impossible. Une grande partie des pairs et des officiers du parlement étaient de la Ligue. On n’aurait pu d’ailleurs rien prouver contre le duc, déclaré par le roi même général de la sainte union. Il s’était conduit avec tant d’art à la journée des Barricades qu’il avait paru réprimer le peuple au lieu de l’exciter à la révolte. De plus, le roi avait donné une amnistie solennelle, et avait juré sur le saint sacrement d’oublier le passé.

Enfin, dans l’état des choses, au milieu des superstitions qui régnaient, les juges séculiers n’auraient pas osé condamner à la mort le cardinal de Guise. Rome, encore toute-puissante par les préjugés des peuples, donnait à un cardinal le droit d’être criminel de lèse-majesté impunément, et il eût été plus difficile, même selon les lois, de prouver les délits du cardinal que ceux du duc son frère.

Henri III fit assassiner le duc par neuf de ses gentilshommes, de ceux qu’on nommait les quarante-cinq. Il fallut préparer cette

  1. Charles VII n’était encore que dauphin lorsque le parlement procéda contre lui ; voyez tome XII, page 46 ; et ci-dessus, page 467.