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CHAPITRE XXII.


« Dites aux princes lorrains que tant qu’ils persécuteront les princes du sang, ils auront dans Mouvans un ennemi irréconciliable. Tout pauvre qu’il est, il a des amis gens de cœur. »

Le prince de Condé, qui attendait dans Amboise auprès du roi la victoire ou la défaite de ses partisans, fut arrêté dans le château d’Amboise par le grand prévôt de l’hôtel, Antoine du Plessis Richelieu, tandis qu’on faisait mourir ses complices par la corde ou par la hache ; mais il avait si bien pris ses mesures, et il parla avec tant d’assurance, qu’il fut mis en liberté.

La conspiration, découverte et punie, ne servit qu’à rendre François de Guise plus puissant. Le connétable Anne de Montmorency, réduit à recevoir ses ordres et à briguer sa faveur, fut envoyé au parlement de Paris comme un simple gentilhomme de la maison du roi pour rendre compte de la journée d’Amboise, et pour intimer un ordre de ne faire aucune grâce aux hérétiques.

Le véridique de Thou rapporte en propres mots que « les présidents et les conseillers comblèrent à l’envi les princes de Lorraine d’éloges ; le parlement en corps viola l’usage, et abaissa sa dignité, dit-il, jusqu’à écrire au duc de Guise, et à l’appeler, par une lâche flatterie, « le conservateur de la patrie ». Ainsi tout fut faible ce jour-là, le parlement et le connétable.

La même année 1560, le prince de Condé, échappé d’Amboise et s’étant retiré dans le Béarn, s’y déclara publiquement de la religion réformée ; et l’amiral de Coligny présenta une requête au roi, au nom de tous les protestants du royaume, pour obtenir une liberté entière de l’exercice de leur religion ; ils avaient déjà deux mille deux cent cinquante églises, soit publiques, soit secrètes, tant le sang de leurs frères avait cimenté leur religion ! Les Guises virent qu’on allait leur faire une guerre ouverte. Les protestants voulurent livrer la ville de Lyon au prince de Condé : ils ne réussirent pas ; les catholiques de la ville s’armèrent contre eux, et il y eut autant de sang répandu dans la conspiration de Lyon que dans celle d’Amboise.

On ne peut concevoir comment, après cette action, le prince de Condé et le roi de Navarre, son frère, osèrent se présenter à la cour, dans Orléans, où le roi devait tenir les états. Soit que le prince de Condé crût avoir conduit ses desseins avec assez d’adresse pour n’être pas convaincu, soit qu’il pensât être assez puissant pour qu’on craignît de mettre la main sur lui, il se présenta, et fut arrêté par Philippe de Maillé et par Chavigny-le-Roi, capitaine des gardes. Les Guises croyaient avoir assez de preuves