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DES SUPPLICES INFLIGÉS AUX PROTESTANTS.


pathétique, que « si ses enfants étaient assez malheureux pour tomber dans les mêmes erreurs, il les sacrifierait de même ». Daniel ajoute que ce discours attendrit tous les assistants, et leur tira des larmes.

Je ne sais où ces auteurs ont trouvé que François Ier[1] avait prononcé ce discours abominable. La vérité est que dans ce temps-là même il écrivait à Mélanchthon, et qu’il le priait de venir à sa cour. Il sollicitait les luthériens d’Allemagne, et les soudoyait contre l’empereur ; il faisait une ligue avec le sultan Soliman, qui fut entièrement conclue deux ans après ; il livrait l’Italie aux Turcs ; et les musulmans eurent une mosquée à Marseille, après que les chrétiens eurent été brûlés dans Paris et dans les provinces.

Il se passa, quelques années après, une scène bien plus tragique. Il y avait sur les confins de la Provence et du comtat d’Avignon des restes de ces anciens Vaudois et Albigeois qui avaient conservé une partie des rites de l’Église des Gaules, soutenus par Claude, évêque de Turin, au viiie siècle, et perpétués jusqu’à nos jours dans les sociétés protestantes. Ces peuples habitaient vingt-deux bourgs, dans des vallées entourées de montagnes peu fréquentées, qui les rendaient presque inconnus au reste du monde. Ils cultivaient ces déserts depuis plus de deux cents ans, et les avaient rendus fertiles. Le véridique président de Thou, qui fut un des juges de l’affaire dont nous parlons, rend justice à l’innocence de leur vie laborieuse ; il les peint « patients dans les plus grands travaux, justes, sobres, ayant les procès en horreur, libéraux envers les pauvres, payant les tributs avec allégresse, n’ayant jamais fait attendre leurs seigneurs pour leurs rentes, assidus aux prières, ignorant toute espèce de corruption, mais ne se prosternant point devant des images, ne faisant point le signe de la croix, et, quand il tonnait, se bornant à lever les yeux au ciel, etc. ».

Le vice-légat d’Avignon et le cardinal de Tournon résolurent d’exterminer ces infortunés. Ils ne songeaient ni l’un ni l’autre qu’ils allaient priver le roi et le pape de sujets utiles.

  1. Voyez Essai sur les Mœurs, chapitre CXXV. M. Garnier, continuateur de Velli, cite Dubouchet (Annales d’Aquitaine), le continuateur de Nicolas Gilles, Belleforest, Sleidan ; mais je ne crois pas que ce soit à l’occasion du prétendu propos attribué à François Ier. (Note de Voltaire.) — Tout ce qui procède est de Voltaire, et, à l’exception des premiers mots, est posthume. Mais Garnier rapporte le même discours de François Ier : voyez son Histoire de France, tome XXIV, in-12, page 539. (B.)