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CHAPITRE XVI.


guerre en pays étrangers. Ce n’était pas avec de l’argent que les Francs et les autres barbares du Nord avaient combattu ; ils s’étaient servis de fer pour ravir l’argent des autres nations. C’était tout le contraire quand Louis XII et François Ier passèrent en Italie. Louis XII avait acheté des Suisses, et ne les avait point payés. Ces Suisses demandèrent leur argent l’épée à la main : ils assiégèrent Dijon. Le faible Louis XII eut beaucoup de peine à les apaiser. Ces mêmes Suisses se tournèrent contre François Ier.

Le pape Léon X, qui n’avait pas encore signé le concordat avec le roi, animait contre lui les cantons ; et ce fut pour résister aux Suisses que le chancelier Duprat, auparavant premier président, prostitua la magistrature au point de la vendre. Il mit à l’encan vingt charges nouvelles de conseillers au parlement.

Louis XII avait auparavant vendu, dans un même besoin, les charges des généraux des finances vénales. Ce mal était bien moins grand et bien moins honteux ; mais vendre des charges de juges au dernier enchérisseur, c’était un opprobre qui consterna le parlement. Il fit de très-fortes remontrances ; mais Duprat les ayant éludées, il fallut obéir ; les vingt conseillers nouveaux furent reçus ; on les distribua, dix dans une chambre des enquêtes, et dix dans une autre.

La même innovation se fit dans tous les autres parlements du royaume ; et c’est depuis ce temps que les charges furent presque toutes vénales en France. Un impôt également réparti, et dont les corps de ville et les financiers même auraient avancé les deniers, eût été plus raisonnable et plus utile ; mais le ministère comptait sur l’empressement des bourgeois, dont la vanité achèterait à l’envi ces nouvelles charges.

Ce trafic ouvrit le sanctuaire de la justice à des gens quelquefois si indignes d’y entrer que dans l’affaire de Semblançay, surintendant des finances, trahi, dit-on, par un de ses commis nommé Gentil, jugé par commissaires, condamné à être pendu au gibet de Montfaucon, ce Gentil, qui lui avait volé ses papiers justificatifs, et qui craignait d’être un jour recherché, acheta, pour se mettre à l’abri, une charge de conseiller au parlement ; de conseiller il devint président ; mais ayant continué ses malversations, il fut dégradé, et condamné à la potence par le parlement même : on l’exécuta sous le gibet de Montfaucon, où son infidélité avait conduit son maître.

L’argent provenu de la vente de vingt charges de magistrature à Paris, et d’environ trente autres dans le reste du royaume, ne suffisant pas à François Ier pour sa malheureuse expédition