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DE LA CONDAMNATION DU DUC D’ALENÇON.


nature : il abrogeait la loi salique, auparavant gravée dans tous les cœurs.

Le savant comte de Boulainvilliers, dans son Traité du gouvernement de France, appelle cet arrêt la honte éternelle du parlement de Paris. Mais c’était encore plus la honte des généraux d’armée, qui n’avaient pu se défendre contre le roi Henri V, celle des factions de la cour, et surtout celle d’une mère implacable, qui sacrifiait son fils à sa vengeance.

Le dauphin se retira dans les provinces au delà de la Loire ; les pays de la langue de oc prirent son parti avec d’autant plus d’empressement que les pays de la langue de oui lui étaient absolument contraires. Il y avait alors une grande aversion entre ces deux parties du royaume de France, qui ne parlaient pas la même langue et qui n’avaient pas les mêmes lois, toutes les villes de la langue de oui se gouvernant par les coutumes que les Francs et les seigneurs féodaux avaient introduites, tandis que les villes de la langue de oc, qui suivaient le droit romain, se croyaient très-supérieures aux autres.

Le dauphin, qui s’était déjà déclaré régent du royaume pendant la maladie du roi son père, établit à Poitiers un autre parlement composé de quelques jurisconsultes en petit nombre. Mais, au milieu de la guerre qui désolait toute la France, ce faible parlement resta longtemps sans aucune autorité, et il n’eut guère d’autres fonctions que celle de casser inutilement les arrêts du parlement de Paris, et de déclarer Jeanne d’Arc pucelle.



CHAPITRE VII.


DE LA CONDAMNATION DU DUC D’ALENÇON.


Il paraît qu’il n’y avait rien alors de bien clairement établi sur la manière dont il fallait juger les pairs du royaume, quand ils avaient le malheur de tomber dans quelque crime, puisque Charles VII, dans les dernières années de sa vie, demanda au parlement, qui tenait des registres, comment il fallait procéder contre Jean II, duc d’Alencon, accusé de haute trahison. (1458) Le parlement répondit que le roi devait le juger en personne,