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DU PARLEMENT, ASSEMBLÉE DE JURISCONSULTES.


précédemment d’adultère, n’avaient point été jugées par le parlement ; ni Enguerrand de Marigny, comte de Longueville, accusé de malversations sous Louis Hutin ; ni Pierre Remi, général des finances, sous Philippe de Valois, n’eurent la chambre de parlement pour juge. Ce fut Charles de Valois qui condamna Marigny à mort, assisté de quelques grands officiers de la couronne, et de quelques seigneurs dévoués à ses intérêts. (1315) Il fut condamné à Vincennes. (1328) Pierre Rémi fut jugé de même par des commissaires que nomma Philippe de Valois.

(1409) Le duc de Bourgogne fit arrêter Montaigu, grand-maître de la maison de Charles VI, et surintendant des finances. On lui donna des commissaires, juges de tyrannie, comme dit la chronique, qui lui firent subir la question. En vain il demanda à être jugé par le parlement, ses juges lui firent trancher la tête aux halles. C’est ce même Montaigu qui fut enterré aux Célestins de Marcoussis. On sait la réponse que fit un de ces moines à François Ier. Quand il entra dans l’église, il vit ce tombeau ; et comme il disait que Montaigu avait été condamné par justice : « Non, sire, répondit le bon moine, il fut condamné par commissaires. »

Il est sûr qu’alors il n’y avait point encore de chambre criminelle établie au parlement de Paris. On ne voit point qu’en ces temps-là il ait seul jugé personne à mort. C’était le prévôt de Paris et le Châtelet qui condamnaient les malfaiteurs. Cela est si vrai que le roi Jean fit arrêter son connétable, le comte d’Eu, pair de France, par le prévôt de Paris. (1350) Ce prévôt le jugea, le condamna seul en trois jours de temps, et on lui trancha la tête dans la propre maison du roi, qui était alors l’hôtel de Nesle, en présence de toute la cour, sans qu’aucun des conseillers de la chambre du parlement y fût mandé.

Nous ne rapportons pas ce trait comme un acte de justice ; mais il sert à prouver combien les droits du nouveau parlement, sédentaire à Paris, étaient alors peu établis.