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CHAPITRE IV.


étaient accusés de quelques débauches et de quelques profanations. Le roi lui-même, croyant faire un acte d’autorité qui éludait celle du pape, en se joignant à lui, fit expédier, par son conseil privé, une commission à frère Guillaume Parisius, inquisiteur du pape en France pour assister à l’interrogatoire des templiers, et nomma aussi des barons dans la commission, comme Bertrand de Agassar, chevalier, le sénéchal de Bigorre, le sénéchal de Beaucaire.

(1308) Le roi convoqua une grande assemblée à Tours, pour résoudre, en la présence du pape et en la sienne, quel usage on ferait du bien des templiers mis en séquestre. Plusieurs hauts-barons envoyèrent des procurations. Nous avons encore à la Bibliothèque du roi celle de Robert, comte de Flandre ; de Jeanne de l’Isle, dame de Mailly ; de Jean, fils aîné du duc de Bretagne ; d’Élie de Talleyrand, comte de Périgord ; d’Artus, comte de Richemont, prenant depuis le titre de duc de Bretagne ; d’un Thibaut, seigneur de Rochefort ; enfin de Hugues, duc de Bourgogne.

À l’égard du jugement prononcé contre les templiers, il ne le fut que par les commissaires du pape, Bernard, Étienne, et Landulphe, cardinaux, quelques évêques et des moines inquisiteurs. Les arrêts de mort furent portés en 1309, et non en 1307 : les actes en font foi, et la Chronique de Saint-Denis le dit en termes exprès. On dit que l’Église abhorre le sang ; elle n’a pas apparemment tant d’horreur pour les flammes. Cinquante-neuf chevaliers furent brûlés vifs à Paris, à la porte Saint-Antoine, tous protestant de leur innocence, tous rétractant les aveux que les tortures leur avaient arrachés.

Le grand-maître Jacques Molai, égal par sa dignité aux souverains, Gui, frère du dauphin d’Auvergne, furent brûlés dans la place vis-à-vis laquelle est aujourd’hui la statue de Henri IV. Ils prirent Dieu à témoin, tant qu’ils purent parler, et citèrent au jugement de Dieu le roi et le pape.

Le parlement n’eut aucune part à ce procès extraordinaire, témoignage éternel de la férocité où les nations chrétiennes furent plongées jusqu’à nos jours. (1312) Mais lorsque Clément V, dans le concile général de Vienne, abolit l’ordre des templiers, de sa seule autorité et malgré la réclamation du concile entier, dans lequel il n’y eut que quatre évêques de son avis ; lorsqu’il fallut disposer des biens-fonds des chevaliers ; lorsque le pape eut donné ces biens aux hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, le roi ayant accédé à cette donation, le parlement mit en possession les hospitaliers par un arrêt rendu en 1312, le jour de l’octave de Saint-