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AVERTISSEMENT.


l’intervention du souverain statuant seul et prononçant la peine capitale. Ainsi Henri IV ordonnant que le frère Jehan Leroy fût jeté à l’eau dans un sac, pour crime d’assassinat sur la personne du capitaine Héricourt ; et que le cadavre de Jacques Clément fût tiré à quatre chevaux, brûlé, ses cendres jetées à la rivière. Il paraît que Voltaire n’avait pu découvrir ces faits que dans le Recueil d’ordonnances des rois de France Charles IX, Henri III, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, depuis le 24 décembre 1567 jusqu’au 9 août 1647, manuscrit petit in-folio longtemps enfoui au greffe de Versailles, et maintenant rendu aux Archives nationales, sa place véritable.

M. G. Desnoiresterres[1] fait remarquer que si Voltaire, du fond de son château de Ferney, n’était pas à même de secouer la poussière séculaire d’archives qu’on ne communiquait d’ailleurs qu’à bon escient, il avait des aides et des collaborateurs occultes, autant et plus intéressés que lui à la rechute de ce corps redoutable du parlement de Paris ; et que, s’il est vrai que l’ouvrage fût écrit à l’instigation du ministre, comme le déclare Wagnière, il est à croire que ce dernier se prêta à la recherche de pièces probantes.

Il faut toutefois rappeler, comme nous venons de le dire, que les mêmes anecdotes se trouvent déjà consignées dans les mêmes termes au chapitre CLXXIII de l’Essai sur les Mœurs.

Lorsque l’ancien parlement fut brisé par le chancelier Maupeou, en janvier 1771, le chancelier, sentant le besoin d’avoir dans son parti des plumes incisives et éloquentes pour répondre aux innombrables pamphlets dont il était assailli, sollicita de loin l’auteur de l’Histoire du Parlement. Voltaire se mit à son service. Il composa brochures contre brochures : Lettres d'un jeune abbé sur les vénalités des charges ; Réponse aux remontrances de la cour des aides ; Avis important d’un gentilhomme à toute la noblesse du royaume ; Sentiment des six consuls établis par le roi et de tous les bons citoyens ; Très-humbles et très-respectueuses Remontrances du grenier à sel ; les Peuples aux Parlements. Et on lui en attribua plus encore qu’il n’en fit.

Voltaire justifie ainsi son attitude, dans une lettre à la duchesse de Choiseul (13 mai 1771) : « Je mourrai aussi fidèle à la foi que je vous ai jurée qu’à ma juste haine contre des hommes qui m’ont persécuté tant qu'ils ont pu, et qui me persécuteraient encore s’ils étaient les maîtres. Je ne dois pas assurément aimer ceux qui devaient me jouer un mauvais tour au mois de janvier[2], ceux qui versaient le sang de l’innocence, ceux qui portaient la barbarie dans le centre de la politesse ; ceux qui, uniquement occupés de leur sotte vanité, laissaient agir leur cruauté sans scrupule, tantôt en immolant Calas sur la roue, tantôt en faisant expirer dans les supplices, après la torture, un jeune gentilhomme qui méritait six mois de Saint-Lazare, et qui aurait mieux valu qu’eux tous. Ils ont bravé l’Europe entière, indignée de cette inhumanité ; ils ont traîné dans un tombereau, avec un bâillon dans la

  1. Voltaire et Genève, page 382.
  2. Des poursuites avaient été annoncées contre l’Histoire du Parlement, par l'avocat Séguier. Voyez, ci-après, l’Avertissement de Beuchot.