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les encouragent. La famille, qui pensait être outragée, s’adressa à trois jésuites, Malagrida, Alexandre, et Mathos. Ces casuistes décidèrent que ce n’était pas seulement un péché qu’ils appellent véniel[1], de tuer le roi.

Il est bon de savoir, pour l’intelligence de cette décision, que les casuistes distinguent entre les péchés qui mènent en enfer et les péchés qui conduisent en purgatoire pour quelque temps ; entre les péchés que l’absolution d’un prêtre remet moyennant quelques prières ou quelques aumônes, et les péchés qui sont remis sans aucune satisfaction. Les premiers sont mortels, les seconds sont véniels.

La confession auriculaire causa un parricide en Portugal, ainsi qu’elle en avait produit dans d’autres pays. Ce qui a été introduit pour expier les crimes en a fait commettre. Telle est, comme on l’a déjà vu[2] souvent dans cette histoire, la déplorable condition humaine.

(3 septembre 1758) Les conjurés, munis de leurs pardons pour l’autre monde, attendirent le roi, qui revenait à Lisbonne d’une petite maison de campagne, seul, sans domestiques, et la nuit ; ils tirèrent sur son carrosse, et blessèrent dangereusement le monarque.

Tous les complices, excepté un domestique, furent arrêtés. Les uns périrent par la roue, les autres furent décapités. La jeune comtesse Ataïde, dont le mari fut exécuté, alla par ordre du roi pleurer dans un couvent tant d’horribles malheurs, dont elle passait pour être la cause. Les seuls jésuites qui avaient conseillé et autorisé l’assassinat du roi, par le moyen de la confession, moyen aussi dangereux que sacré, échappèrent alors au supplice.

Le Portugal, n’ayant pas encore reçu dans ce temps-là les lumières qui éclairent tant d’États en Europe, était plus soumis au pape qu’un autre. Il n’était pas permis au roi de faire condamner à la mort, par ses juges, un moine parricide ; il fallait avoir le consentement de Rome. Les autres peuples étaient dans le XVIIIe siècle ; mais les Portugais semblaient être dans le XIIe.

  1. C’est ce qui est rapporté dans l’acordao, ou déclaration authentique du conseil royal de Lisbonne. (Note de Voltaire).
  2. Comme il est dit dans l’Avertissement de Beuchot, ce qui forme aujourd’hui le chapitre xviii du Précis du Siècle de Louis XV formait, en 1763, le chapitre lx du Siècle de Louis XIV, imprimé à la suite de l’Essai sur l’Histoire Générale et sur les Mœurs et l’Esprit des nations ; et dans le chapitre cxxxv de cet Essai, Voltaire parlait de plusieurs assassinats commis après confession. Le chapitre cxxxv est aujourd’hui le clxiv ; voyez tome XII, page 472, et aussi l’article Confession du Dictionnaire philosophique.