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la Saxe, qui était presque sans défense, comptant se faire de cette province un rempart contre la puissance autrichienne, et un chemin pour aller jusqu’à elle. Il s’empare d’abord de Leipsick[1] ; une partie de son armée se présente devant Dresde ; le roi Auguste se retire, comme son père devant Charles XII ; il quitte sa capitale, et va occuper le camp de Pirna, près de Koenigstein, sur le chemin de la Bohême et sur la rive de l’Elbe, où il se croit en sûreté.

Frédéric III entre dans Dresde en maître, sous le nom de protecteur. La reine de Pologne, fille de l’empereur Joseph, n’avait point voulu fuir ; on lui demanda les clefs des archives. Sur le refus qu’elle fit de les donner, on se mit en devoir d’ouvrir les portes ; la reine se plaça au devant, se flattant qu’on respecterait sa personne et sa fermeté : on ne respecta ni l’une ni l’autre ; elle vit ouvrir ce dépôt de l’État. Il importait au roi de Prusse d’y trouver des preuves des desseins de la Saxe contre lui ; il trouva en effet des témoignages de la crainte qu’il inspirait, mais cette même crainte, qui aurait dû forcer la cour de Dresde à se mettre en défense, ne servit qu’à la rendre la victime d’un voisin puissant. Elle sentit trop tard qu’il eût fallu, dans la situation où était la Saxe depuis tant d’années, donner tout à la guerre, et rien aux plaisirs. Il est des positions où l’on n’a d’autre parti à prendre que celui de se préparer à combattre, à vaincre ou à périr.

(20 septembre 1756) Au bruit de cette invasion, le conseil aulique de l’empereur déclara le roi de Prusse perturbateur de la paix publique, et rebelle. Il était difficile de faire valoir cette déclaration contre un prince qui avait près de cent cinquante mille combattants à ses ordres, et qui passait déjà pour le plus grand général de l’Europe. (11 octobre) Il répondit aux lois par une bataille ; elle se donna entre lui et l’armée autrichienne, qu’il alla chercher à l’entrée de la Bohême, près d’un bourg nommé Lovositz.

Cette première bataille fut indécise par le nombre des morts ; mais elle ne le fut point par les suites qu’elle eut. On ne put empêcher le roi de bloquer les Saxons dans le camp de Pirna même ; les Autrichiens ne purent jamais leur prêter la main, et cette petite armée du roi de Pologne, composée d’environ treize à quatorze mille hommes, se rendit prisonnière de guerre sept jours après la bataille.

  1. Le 20 auguste 1756 ; voyez, tome X, page 557 (Poésies mêlées), la pièce qui commence par ce vers :
    Ô Salomon du Nord ! ô philosophe roi !