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qui l’avait vue dans le temps de ses succès, la reconnut et s’en fit reconnaître. Elle se jeta à ses pieds : le prince, ses amis, et elle, fondaient en larmes, et les pleurs que Mlle de Macdonald versait dans cette entrevue, si singulière et si touchante, redoublaient par le danger où elle voyait le prince. On ne pouvait faire un pas sans risquer d’être pris. Elle conseilla au prince de se cacher dans une caverne qu’elle lui indiqua, au pied d’une montagne, près de la cabane d’un montagnard connu d’elle et affidé, et elle promit de venir le prendre dans cette retraite, ou de lui envoyer quelque personne sûre qui se chargerait de le conduire.

Le prince s’enfonça donc encore dans une caverne avec ses fidèles compagnons. Le paysan montagnard leur fournit un peu de farine d’orge détrempée dans de l’eau ; mais ils perdirent toute espérance lorsque, ayant passé deux jours dans ce lieu affreux, personne ne vint à leur secours. Tous les environs étaient garnis de milices. Il ne restait plus de vivres à ces fugitifs. Une maladie cruelle affaiblissait le prince : son corps était couvert de boutons ulcérés. Cet état, ce qu’il avait souffert, et tout ce qu’il avait à craindre, mettaient le comble à cet excès des plus horribles misères que la nature humaine puisse éprouver ; mais il n’était pas au bout.

Mlle de Macdonald envoie enfin un exprès dans la caverne, et cet exprès leur apprend que la retraite dans le continent est impossible ; qu’il faut fuir encore dans une petite île nommée Benbecula, et s’y réfugier dans la maison d’un pauvre gentilhomme qu’on leur indique ; que Mlle de Macdonald s’y trouvera, et que là on verra les arrangements qu’on pourra prendre pour leur sûreté. La même barque qui les avait portés au continent les transporte donc dans cette île. Ils marchent vers la maison de ce gentilhomme, Mlle de Macdonald s’embarque à quelques milles de là pour les aller trouver ; mais ils sont à peine arrivés dans l’île qu’ils apprennent que le gentilhomme chez lequel ils comptaient trouver un asile avait été enlevé la nuit avec toute sa famille. Le prince et ses amis se cachent encore dans des marais. Onel enfin va à la découverte. Il rencontra Mlle de Macdonald dans une chaumière : elle lui dit qu’elle pouvait sauver le prince en lui donnant des habits de servante qu’elle avait apportés avec elle ; mais qu’elle ne pouvait sauver que lui, qu’une seule personne de plus serait suspecte. Ces deux hommes n’hésitèrent pas à préférer son salut au leur. Ils se séparèrent en pleurant. Charles-Édouard prit des habits de servante, et suivit, sous le nom de Betty, Mlle de Macdonald. Les dangers ne cessèrent pas malgré ce