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terait les siens, et il renouvelait expressément à ses partisans la défense d’attenter à la personne du roi régnant et à celle des princes de sa maison. Ces proclamations, qui paraissaient si généreuses dans un prince dont on avait mis la tête à prix, eurent une destinée que les maximes d’État peuvent seules justifier : elles furent brûlées par la main du bourreau.

Il était plus important et plus nécessaire de s’opposer à ses progrès que de faire brûler ses manifestes. Les milices anglaises reprirent Édimbourg. Ces milices, répandues dans le comté de Lancastre, lui coupent les vivres ; il faut qu’il retourne sur ses pas[1]. Son armée était tantôt forte, tantôt faible, parce qu’il n’avait pas de quoi la retenir continuellement sous le drapeau par un payement exact. Cependant il lui restait encore environ huit mille hommes. À peine le prince fut-il informé que les ennemis étaient à six milles de lui, près des marais de Falkirk, qu’il courut les attaquer, quoiqu’ils fussent près d’une fois plus forts que lui. On se battit de la même manière et avec la même impétuosité qu’au combat de Preston-Pans. (28 janvier 1746[2]) Ses Écossais, secondés encore d’un violent orage qui donnait au visage des Anglais, les mirent d’abord en désordre ; mais, bientôt après, ils furent rompus eux-mêmes par leur propre impétuosité. Six piquets de troupes françaises les couvrirent, soutinrent le combat, et leur donnèrent le temps de se rallier. Le prince Édouard disait toujours que s’il avait eu seulement trois mille hommes de troupes réglées il se serait rendu maître de toute l’Angleterre.

Les dragons anglais commencèrent la fuite, et toute l’armée anglaise suivit, sans que les généraux et les officiers pussent arrêter les soldats. Ils regagnèrent leur camp à l’entrée de la nuit. Ce camp était retranché, et presque entouré de marais.

Le prince, demeuré maître du champ de bataille, prit à l’instant le parti d’aller les attaquer dans leur camp, malgré l’orage, qui redoublait avec violence. Les montagnards perdirent quelque temps à chercher dans l’obscurité leurs fusils, qu’ils avaient jetés dans l’action, suivant leur coutume. Le prince se met donc en marche avec eux pour livrer un second combat ; il pénètre jusqu’au camp ennemi, l’épée à la main : la terreur s’y répandit, et les troupes anglaises, deux fois battues en un jour, quoique avec peu de perte, s’enfuirent à Édimbourg. Ils n’eurent pas six cents

  1. Le prince commença sa retraite avant d’avoir eu nouvelle de la prise d’Édimbourg. (G. A.)
  2. Ou plutôt, 17 janvier.